L' ORDRE, comme toute institution, ne saurait échapper au droit d'inventaire. Et qu'il fasse l'objet sur France 2 d'un procès, fût-il instruit uniquement à charge, est dans la nature des choses. Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'il se retrouvera sur le banc des accusés.
Comment ne pas voir, cependant, l'évolution enregistrée depuis quelques lustres ? Ce qui a nourri - et justifié - la contestation de l'action ordinale dans les années soixante et soixante-dix, c'étaient ses prises de position idéologiques, son combat contre la contraception, contre l'avortement, contre la médecine conventionnée, contre l'exercice en groupe. L'Ordre quittait le champ d'intervention que lui avait fixé la loi pour tenir boutique de bonnes mœurs. L'Ordre médical s'érigeait en ordre moral. C'est cela qui, surtout après mai 1968, lui valut les foudres d'une partie croissante de la profession et de la société. Voilà vingt ans tout juste, en mars 1981, présentant ses dix propositions pour la santé, le candidat François Mitterrand déclenchait l'enthousiasme des militants en se prononçant pour la dissolution de l'Ordre des médecins que quelques années auparavant il avait déjà comparé à « un Etat dans l'Etat ». Promesse oubliée sitôt formulée. Plus personne - ou presque - n'exige aujourd'hui la dissolution d'un Ordre dont le discours général n'est plus frappé du sceau de l'ordre moral. Et qui a même su avoir l'oreille des gouvernements socialistes. Que le Pr Bernard Glorion, président du Conseil national et avocat inlassable de la réforme de l'Ordre, soit aujourd'hui l'un des quatre sages désignés par Elisabeth Guigou pour mener la concertation sur l'avenir de la médecine libérale est révélateur.
La justice ordinale sur la sellette
L'Ordre n'est cependant pas exempt de critiques. Certains conseils départementaux, en région parisienne notamment, semblent hostiles à toute évolution du système de santé et interviennent dans un champ qui n'est pas le leur (comme en témoignent leurs prises de position sur l'informatisation des médecins libéraux ou le médecin référent). L'Ordre national lui-même a parfois tendance à empiéter sur le domaine syndical. Ici ou là, l'organisation des élections dans les conseils départementaux est entachée d'irrégularités.
Mais c'est surtout la justice ordinale qui nourrit les critiques. Les patients voient dans l'ordre une instance qui, au nom de la confraternité et de l'esprit de corps, aurait trop tendance à prendre le parti de praticiens. D'autres formulent à l'égard des formations disciplinaires ordinales des griefs qu'ils pourraient tout aussi bien adresser à la justice ordinaire : trop lente ou au contraire trop expéditive.
De tout cela, l'Ordre est conscient. La publicité des débats dans les instances disciplinaires est déjà un premier pas dans la voie d'un meilleur fonctionnement de cette justice. D'autres mesures s'imposent. Celles qui devraient figurer dans le projet de loi de modernisation sanitaire vont dans ce sens : les instances disciplinaires régionales seront présidées par un magistrat, le régime des incompatibilités des fonctions sera renforcé (les membres des chambres disciplinaires ne pourront pas exercer d'autres fonctions), nul ne pourra juger en appel une affaire qu'il aurait eu à connaître en première instance, les étrangers pourront être élus dans les conseils départementaux, la procédure sera améliorée de manière que les conseils départementaux ne puissent pas enterrer des affaires.
Cela sera-t-il suffisant pour dissiper les critiques que soulève nécessairement toute justice parallèle et pour éviter des dysfonctionnements énumérés dans l'émission de Richard Vargas ? Sans doute pas.
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