L E Centre de prévention sanitaire et sociale (CPSS) de Bobigny a accueilli, depuis sa création en 1996, 50 000 consultants, tous domiciliés dans ce département populaire de l'est parisien qu'est la Seine-Saint-Denis. 33 000 d'entre eux ont constitué, entre 1997 et 1999, un grand échantillon sur lequel les informations de la caisse primaire d'assurance-maladie du 93 ont « mouliné » les 200 paramètres biologiques recueillis lors des examens : consommations de psychotropes et d'hypotenseurs, cholestérol, triglycérides, glycémie, obésité, RTH, caries, gingivites, Gamma GT, etc.
Une photographie des disparités
Il a ainsi été possible de réaliser une photographie des disparités de santé selon la distribution géographique, en l'occurrence les communes du département. Une première : « Jusqu'à présent, les géographes de la santé, dans la plupart de leurs études, s'en tenaient au département comme unité d'analyse, observe le Dr Emilio La Rosa, directeur adjoint du CPSS et anthropologue, co-uteur du livret avec le Dr Hervé le Clésiau. Nous avons choisi d'ajuster notre loupe à un échelon plus fin que d'habitude. »
N'étant pas lui-même géographe de la santé, mais s'inspirant étroitement des ouvrages de référence publiés en particulier par le Centre de recherche, d'études et de documentation en économie de la santé (CREDES), le Dr La Rosa ne prétend pas que la centaine de cartes et graphiques élaborés aient mis au jour des données révolutionnaires de santé publique.
Mais un certain nombre de corrélations connues trouvent leur vérification sur le terrain de la Seine-Saint-Denis. Par exemple, les cartes de la précarité et celles des pourcentages comparatifs d'hommes qui présentent des GGT élevés se recoupent très précisément, tant il est vrai que la consommation d'alcool est plus élevée dans les populations en difficulté.
D'autres paramètres sont purement descriptifs de phénomènes locaux pour lesquels nulle analyse n'est fournie. Ainsi des cartes qui recensent les fumeurs pour la classe d'âge des 25-59 ans : chez les hommes, un certain gradient situé à l'ouest tente de se dessiner, alors que, chez les femmes, cette zone est mieux définie à l'est du département.
Un outil d'aide à la décision
« L'intérêt, en ce cas, est double, estime le Dr La Rosa : d'une part, lancer des campagnes de prévention très locales et, d'autre part, conscientiser les médecins selon l'aire dans laquelle se trouve leur clientèle. »
Une « double détente » en quelque sorte pour cette géographie de la santé au format départemental, comme le confirme Vincent Ravoux, le directeur général de la CPAM du 93 : « Les différentes parties prenantes disposent pour la première fois d'un outil d'aide à la décision en santé publique cependant qu'est impulsée une démarche visant à transformer les CPSS en laboratoires de santé publique. On pourra nous objecter que cette photographie comporte des zones floues. Elle n'en présente pas moins le mérite de lancer une dynamique de partenariat entre la Sécurité sociale, la fonction publique territoriale, le secteur associatif, le secteur public et le corps médical. »
Somme toute, estime le patron de la Sécurité sociale de Seine-Saint-Denis, « grâce à notre base de données, la plus importante du département, nous répondons à la demande que nous avait adressée le conseil général et nous nous disposons à répondre à toutes les collectivités territoriales du 93 qui nous confieraient des études selon des critères géographiques plus fins que les délimitations communales ».
« Pourquoi ne pas imaginer pour la suite de descendre au niveau des rues, se demande le Dr La Rosa, certaines prenant naissance sur une commune et se prolongeant sur une autre, constituant une unité de mesure plus pertinente ? »
Plus précise, plus fine, la géographie de la santé peut fournir, en effet, des dégradés complètement différents au service d'une meilleure politique de santé publique.
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