L 'INSEE publie une étude selon laquelle le taux de pauvreté en France a beaucoup diminué entre 1970 et 1997, en passant de 15,7 à 7 %, soit une réduction de plus de la moitié. Elle dénombre 1 629 000 foyers au-dessous du seuil de pauvreté en 1997, contre 2 538 000 en 1970.
Mais elle place aussi le seuil de pauvreté à 3 461 F par mois et par unité de consommation (UC) en 1997, ce qui, selon des calculs savants, signifie 3 500 F pour une personne seule, 5 250 F pour deux personnes, plus 1 050 F par enfant de moins de 14 ans. Ce n'est vraiment pas beaucoup et cela veut dire que de nombreux Français, à partir de 5 250 F, ne peuvent compter que sur un revenu qui leur permet tout juste de survivre.
L'INSEE montre aussi que les prestations sociales ont empêché le nombre de foyers sous le seuil de pauvreté d'augmenter. Bravo pour la politique sociale des gouvernements qui se sont succédé pendant trente ans. Et que, en gros, les jeunes sont plus pauvres qu'autrefois, tandis que les retraités ont des revenus améliorés par rapport à 1970.
Jeunes chômeurs
Les enseignements de cette étude sont multiples. Elle montre que, à n'en pas douter, une politique sociale soutenue prévient ou contient la misère. Elle indique un effort intense en faveur des personnes âgées grâce à une protection sociale généreuse, d'abord au niveau des retraites, ensuite au niveau des soins. Les Français n'ont plus peur de vieillir, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays industrialisés.
Elle expose les ravages du chômage qui a inversé les données d'il y a trente ans : en période de plein emploi, un jeune trouve du travail sans difficulté dès qu'il quitte l'école ou la faculté ; en période de chômage, il attend parfois plusieurs années avant de commencer son insertion dans le monde du travail. Et c'est vrai encore aujourd'hui, car, si le chômage, en quatre ans, est passé de 12,5 à 9 %, il y a encore plus de deux millions de chômeurs, réservoir alimenté sans cesse par les jeunes qui arrivent sur le marché de l'emploi. Il s'agit d'une forme de chômage résiduel que la machine économique ne parvient pas à résorber, notamment pour des raisons de qualification dans une société technologique, et qui ne disparaîtra vraisemblablement qu'avec le déclin démographique à l'horizon 2010.
Le dilemme français est le suivant : faut-il améliorer et intensifier une politique sociale qui a donné de bons résultats ou faut-il, au contraire, libérer l'économie pour qu'elle crée plus d'emplois ? L'Etat se méfie naturellement de la croissance pure et simple. Les entreprises n'embauchent que si c'est leur intérêt. Elles n'ont pas de préoccupation ou de responsabilité sociales. L'expansion économique peut ne pas se traduire par la création d'emplois. En outre, la croissance n'est pas permanente : nous risquons, cette année, d'entrer déjà dans une période nettement moins favorable que les quatre années écoulées.
La vigilance sociale de l'Etat représente donc un impératif catégorique. Mais il doit veiller à ce que son ambition ne soit pas excessive. Une générosité trop grande risque d'empêcher l'épanouissement des entreprises. Nous abordons une période pleine de périls : nous n'avons pas fini d'absorber la semaine de 35 heures que s'allument des feux rouges.
Le juste prix du travail
Le vrai problème porte sur la rémunération du travail : en France, elle est à la fois insuffisante et inégalitaire : les salaires varient de un à dix, et le nombre d'emplois mal payés est très élevé. S'il est juste que l'Etat, par diverses dispositions fiscales et par les prestations sociales, vole au secours des plus pauvres, il n'en fera jamais des gens raisonnablement prospères.
De plus, les sommes énormes que l'Etat et les entreprises ont consacrées aux 35 heures auraient pu servir à augmenter les bas salaires et réduire les inégalités. Cette stratégie sociale aurait concerné les plus pauvres, pas ceux qui, disposant d'un revenu correct ou suffisant, obtiennent en plus un allègement de leurs horaires. Les chômeurs ou les SMICards préféreraient peut-être travailler 39 heures et gagner leur vie, ou la gagner mieux. Ils y trouveraient plus de dignité à la fois par la valeur accordée à leur travail et parce qu'ils seraient moins assistés. Ils augmenteraient leur consommation de base et participeraient à la croissance.
L'intervention de l'Etat reste donc primordiale dans la répartition de la richesse nationale. Ce n'est pas elle qu'il faut condamner, c'est le type de stratégie choisi par l'Etat. La pression fiscale est encore, à 45 % du PIB, excessive, en dépit des diminutions d'impôt. Dès lors que la fiscalité directe n'est exercée que sur moins de la moitié des ménages français, elle implique que ceux qui paient trop d'impôts ne doivent pas être augmentés et qu'un blocage de leurs salaires est souhaitable, ne serait-ce que pour mettre fin à une spirale qui fait que plus on gagne, plus d'impôts on paie. Il vaudrait mieux augmenter les bas salaires et créer une nouvelle classe de contribuables.
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