Comme nous l'avons vu la semaine dernière, dans notre précédente livraison, l'ayurveda est né sur les bords du Gange plus de deux millénaires avant Jésus-Christ. Les Vedas (la connaissance) furent composés entre 1500 et 600 avant notre ère, l'ayurveda constituant l'aspect médical de cette science védique. La doctrine médicale de l'ayurveda est toute entière faite de théories dont les dogmes composent un corpus aussi nettement circonscrit que la systématisation galénique. Cette doctrine va traverser les époques, sans que rien ne vienne la bouleverser, et se perpétuer jusqu'à nos jours.
Les principes de base
L'ayurveda a un triple objectif : le maintien en bonne santé, la guérison des maladies et la réalisation de soi.
Il existe dans l'ayurveda trois forces cosmiques fondamentales :
- celle du vent, Praha, énergie d'impulsion ;
- celle du soleil Agni, énergie de transformation ;
- celle de la lune, Soma, énergie de cohésion.
Le contrôle de ces trois forces cosmiques, qui sont à la base de tout processus de vie, procure la santé. Par ailleurs, l'homme est composé de cinq mahabhutas (les cinq éléments), de trois doshas (les énergies de base), de sept dahtus (les tissus) et de seize shrotas (les canaux qui assurent le transport des doshas à travers le corps).
Les doshas
Ce sont les trois humeurs biologiques dont l'équilibre assure la santé et qui correspondent aux éléments air, feu et eau.
Vata, l'énergie cinétique, signifie " ce qui fait bouger les choses ". Il est est responsable de tout ce qui appartient au mouvement dans le corps. Il régit l'équilibre, les sens, la compréhension, l'adaptabilité.
Pitta, l'énergie de transformation, signifie " ce qui digère les choses ". Il est responsable de tous les processus de transformation du corps, en particulier la digestion. Il gouverne également notre perception qui constitue notre digestion mentale.
Kapha, l'énergie de cohésion, signifie "ce qui relie les choses entre elles " et est la substance du corps (soma).
[[asset:image:6936 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Ces trois forces sont présentes chez chaque être humain mais à des degrés différents. Cette doctrine des trois doshas - ou humeurs - est primordiale, les doshas dominants d'un individu déterminant ses forces et ses faiblesses. Chaque dosha a des qualités qui lui sont propres : il augmente par des attributs similaires et est diminué par ceux qui lui sont opposés. De la même manière que le soleil adoucit de ses rayons une froide journée d'hiver ou que la pluie fait reverdir la végétation après une période de sécheresse.
Le vaidya, le médecin ayurvédique, en fonction du prakriti de son patient, c'est à dire du mélange des trois doshas qui constitue son type ayurvédique, va conseiller à celui-ci un style de vie qui lui corresponde, notamment un régime bénéfique qui soit en harmonie avec l'univers.
Les Dhatus
Ce sont les sept tissus principaux qui forment la trame du corps humain. Bien qu'importants au niveau structurel, ils ne sont pas directement impliqués dans la cause des maladies. On distingue ainsi :
- Rasa, le plasma ;
- Rakta, le tissu sanguin ;
- Mamsa, les muscles ;
- Meda, les tissus adipeux ;
- Ashti, les tissus osseux, le cartilage, les ongles, les poils et les cheveux ;
- Majja, la moelle osseuse et les tissus nerveux ;
- Shukra, les tissus reproducteurs ;
Les shrotas
Ce sont les seize canaux internes qui participent aux processus généraux d'assimilation et d'élimination en véhiculant les trois doshas. Le shrota le plus important est le système digestif alors que d'autres ne se voient qu'au microscope ou n'agissent qu'au niveaux moléculaires, atomiques et sub-atomiques.
Trois de ces shrotas sont encore connus de la médecine indienne actuelle : l'anna vaha shrota (système digestif), le rakta vaha shrota (système circulatoire) et le prana vaha srota (système respiratoire).
Le dysfonctionnement des shrotas, dû au déséquilibre des doshas, conduit à la maladie.
Etablir un diagnostic
C'est le patient et non la maladie qui est l'objet du traitement. La maladie n'existe pas, en effet, en tant que telle. Elle ne serait que l'expression d'un déséquilibre des trois doshas qu'il faut alors harmoniser. La nature de ce déséquilibre doit donc être établie, en rechercher les causes dans un second temps et, enfin, trouver les remèdes.
Le médecin commence donc par darshana, l'observation visuelle du corps au cours duquel ses caractéristiques physiques sont observées et sparshana, l'examen tactile (palpation, percussion et auscultation du corps et de certains organes internes.La consultation se poursuit par une méthode de diagnostic par le pouls (Nadi pariksha) : on pose trois doigts (l'index, le majeur et l'annulaire) sur l'artère radiale au niveau du poignet. Grâce à divers modes de pression, le médecin s'informe des doshas de son patient et détermine ainsi l'état de déséquilibre de ceux-ci.
Le déséquilibre trouvé, il faut maintenant pour le praticien en déterminer la cause qui est à la fois interne et externe. Le dysfonctionnement est, en effet, attribué à un blocage des shrotas mais également aux habitudes de vie du patient. L'interrogatoire du patient (prashna) va permettre de découvrir les erreurs comportementales ou diététiques du patient qui ont provoqué sa maladie. L'ayurveda accorde une très grande importance à cet interrogatoire qui va permettre d'en savoir plus sur l'histoire naturelle du patient, ses antécédents médicaux et familiaux et son vécu psychologique, autant d'éléments déterminants pour son état de santé.
[[asset:image:6951 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]Quelle que soit l'affection dont souffre le patient, son médecin lui conseillera avant toute chose une détoxification générale (panchakarma) qui se réfère aux cinq procédures de purification et de rejuvénation prescrites par l'ayurveda, le but étant de purifier le corps et l'esprit en éliminant les éléments toxiques de l'organisme. L'ayurveda conseille d'ailleurs une détoxification périodique à chaque changement de saison afin d'éliminer du corps les toxines qui s'accumulent trop rapidement.
Snehana (ingestion de beurre clarifié) et virechana (purge lègère) permettent ainsi aux toxines de se détacher progressivement des cellules.
Abhyanga (massage à l'huile) fait remonter les toxines à la surface au moyen de techniques de massage ancestrales.
Svedana (sudation) et Basti (lavement léger) vont achever d'évacuer les toxines vers l'extérieur.
Suivant l'état de santé des patients, d'autres techniques peuvent venir se superposer au panchakarma de base. Ainsi Nasya, est souvent prescrit, traitement des sinus qui sont considérés comme la porte du cerveau. Shirodhara est utiisé contre les désordres nerveux en déversant en flot continu de l'huile tiède sur le front du patient lui apportant un sentiment de bien-être exceptionnel. Quant aux problèmes d'articulation, ils sont soignés par Pattra potali, un type de sudation. Moins agréable est vamana (vomissement thérapeutique).
La diététique ayurvédique
Chaque individu étant unique, les recommandations sont particulières à chacun et tiennent compte des rythmes naturels tels que les six saisons indiennes et les différentes heures du jour qui influencent les doshas. Les six saveurs ont une importance primordiale, chaque aliment étant composée d'une ou plusieurs de celles-ci : sucrée, aigre, salée, amère, piquante et astringente. Il existe donc des compendiums explicitant les saveurs contenues dans chaque type d'aliment (viande, légumes, produits laitiers; légumineuses, fruits, herbes et épices...) et leur effet sur chaque dosha. Inversement, il existe des tables qui, à partir de chaque dosha, énumèrent les saveurs qui leur correspondent et permettent d'établir un plan diététique face à Vatta, Pitta et Kapha. Ainsi une personne de type Vata devra avoir une alimentation qui diminue l'élément Vata en favorisant les saveurs sucrées, aigres et salées correspondant aux produits laitiers, beurre clarifié, riz, froment, asperges, oignons, betteraves, fruits doux, radis...Un repas équilibré doit, selon l'ayurveda, inclure les six saveurs afin de satisfaire le corps et l'esprit.
Hygiène personnelle
Svastha varta va au-delà de la simple propreté incluant des recommandations concernant le mode de vie :
- Dinacharya, la routine quotidienne ;
- Ritucharya, les corrections saisonnières ;
- Sadachara, les comportements adéquats ;
- Rasayana, le renforcement du système immunitaire ;
- Vayjikarana, l'entretien du système reproducteur ;
-Yoga.
L'hygiène corporelle - bain, lavage des dents, soins de la peau, nettoyage des yeux - est primordiale dans l'ayurveda. Il est aussi fortement conseillé d'oindre quotidiennement le corps avec de l'huile et la faire pénétrerpar un auto-abhyanga, un auto-massage qui va permettre de drainer les toxines vers l'extérieur entraînant un profond sentiment de bien-être.
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Les maladies mentales
Il n'y a pas d'opposition, pour la médecine ayurvedique, entre les phénomènes somatiques et les phénomènes psychologiques. Les pathologies mentales s'expliquent, comme pour les autres pathologies, par un déséquilibre des doshas et, dans les premiers temps de l'ayurveda, par la possession de l'esprit par des entités maléfiques.
L'esprit, dans l'ayuverda, a quatre principales fonctions :
- Indriya Abhigraha correspond à l'intégration des fonctions sensorielles ;
- Svasya Nigraha correspond au contrôle du moi ;
- Uha correspond au raisonnement ;
- Vichara correspond au jugement et à la délibération.
L'ayurveda aujourd'hui
Riche donc de plusieurs millénaires de tradition, l'ayurveda est aujourd'hui reconnu par l'OMS en tant que "médecine traditionnelle incluant différentes pratiques, approches, connaissances et croyances en matière de santé, utilisant des médicaments à base de plantes, d'animaux et/ou de minéraux, des thérapies spirituelles, des exercices et techniques manuelles apppliqués suels ou en combinaison, dans le but de maintennir le bien-être ainsi que de traiter, diagnostiquer ou prévenir la maladie ".
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