Pas question de subir la prochaine réforme de la retraite : alors que Jean-Paul Delevoye, ex-président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), vient d’hériter de ce lourd dossier, la Caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF) prend les devants.
Lors d’un colloque à Paris intitulé « en marche vers un régime de retraite de base unique », la caisse s'est positionnée sur cette réforme potentiellement « explosive », affirmant sa volonté de jouer tout son rôle. De fait, Emmanuel Macron ambitionne de créer – à terme – un régime de retraite unique dans lequel tous les actifs seraient soumis aux mêmes règles quel que soit leur statut (cadres, libéraux, fonctionnaires, auto-entrepreneurs…), l'objectif étant qu'un euro cotisé produise les mêmes droits pour tous. Mais ce régime universel concernera-t-il uniquement le régime de base, ou s'étendra-t-il aussi aux régimes complémentaires ?
Dans l'attente d'en savoir plus, la CARMF ne fait pas mystère de sa priorité absolue : « La réforme [du régime unique] ne peut toucher que le régime de base et non le régime complémentaire », a mis en garde le Dr Thierry Lardenois, président de la CARMF, qui tient à la disposition du gouvernement une proposition « faisable ».
Aujourd'hui, la retraite moyenne annuelle d'un médecin libéral est de 31 588 euros dont 6 581 euros proviennent du régime de base (21 %), 14 056 euros du régime complémentaire (44 %) et 10 951 euros de l'ASV (35 %).
Quelle autonomie financière ?
La position de la CARMF est partagée par la Caisse nationale d’assurance-vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et l'AGIRC-ARRCO (retraite complémentaires des salariés du secteur privé). « Cette position nous apparait la plus réaliste, la préservation de l’autonomie des régimes complémentaires n’est pas négociable », juge ainsi Frank Lefèvre, vice-président de la CNAVPL.
Derrière cette revendication (une réforme pragmatique des seuls régimes de base), la CARMF exprime aussi sa vive inquiétude au sujet de l'autonomie future des caisses professionnelles, autonomie conditionnant le pilotage des placements financiers. « S’il y a un régime unique, que vont devenir les réserves que nous avons constituées depuis plus de vingt ans ? », résume le Dr Lardenois.
Le bras de fer entre la CARMF et le gouvernement se poursuit sur ce point sensible. En mai 2017, un décret réformant l'organisation financière des régimes de retraite complémentaires pour les libéraux a en effet restreint les possibilités d'investissement des caisses en les contraignant à diminuer la proportion des placements en actions. Mais selon la CARMF, qui juge ce décret contraire à l’esprit d’autonomie des régimes complémentaires, cette réforme risque d'obérer gravement le rendement des réserves patiemment constituées grâce aux cotisations des affiliés… « La logique de ce décret nous échappe, dénonce Henri Chaffiote, directeur général de la CARMF. Nous avons aujourd’hui un rendement de 3 ou 4 % sur les réserves de 7 milliards. Si on met une partie de ces 7 milliards sur des obligations à 1 %, cela représenterait un manque à gagner compris entre 1 et 1,5 milliard sur dix ans ». Résultat de ces pertes putatives, selon la caisse qui a formulé un recours : le risque d'une augmentation de 5 à 7 % des cotisations et/ou une baisse équivalente des retraites...
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