Cinéma

L' apocalypse en famille

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Publié le 23/09/2016
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Crédit photo : Shayne Laverdière

« Juste la fin du monde » Dans le regard triste, humble et doux à la fois de Louis, on peut presque lire : « Ce n’est pas grave ». Pourtant, pour lui, c’est effectivement la fin du monde. Écrivain plus ou moins célèbre, il revient du Canada après douze ans d’absence et retrouve sa famille à qui il compte annoncer qu’il est condamné par le sida. Mais les mots ne sortiront pas. Les retrouvailles seront ratées. Personne ou presque ne l’entendra.

Le plus obtus sera son frère, Antoine (Vincent Cassel), agressif, gueulard, vulgaire… La plus douce sera sa sœur Suzanne (Léa Seydoux), encore une enfant quand il était parti. La plus attentive sera la belle-sœur qu’il ne connaissait pas (Marion Cotillard,  délicieuse). Et la plus excentrique : la mère (Nathalie Baye, perruque noire et ongle bleus, formidable). Chez « ces gens-là » comme dirait Brel, quelque chose dysfonctionne. Ce n’est pas faute de s’exprimer : tout le monde parle, une vraie cacophonie, on se saoule de parole, on bégaye, on se répète… Mais personne n’écoute. Cela en devient fascinant.

Xavier Dolan, le petit prodige expert en psychodrame familial (26 ans et déjà six films, dont le très beau Mommy) filme en gros plans cette orgie de répliques (adaptées d’une pièce de théâtre presque autobiographique de Jean-Luc Lagarce). La noirceur du propos est compensée par une belle stylisation, montage nerveux, couleurs vives et saturées. Louis a droit à de brèves rémissions ; chaque fois qu’il se retrouve en duo avec l’une ou l’autre, furtivement, un peu courant passe mais, presque aussitôt, le huis clos redevient étouffant. Il repartira plus seul qu’avant, avec son secret. Si l’on a cité tous les comédiens, c’est qu’ils sont vraiment exceptionnels. Un très beau film, justement couronné à Cannes d’un Grand Prix du jury.

Film franco-canadien de Xavier Dolan (95') avec Nathalie Baye, Marion Cotillard, Vincent Cassel, Gaspard Ulliel

Bernard Génin

Source : Le Généraliste: 2768