Le nombre d’incidents (agressions physiques, verbales, vol ou vandalisme) signalés par les médecins à l’observatoire de la sécurité du Conseil national de l’Ordre marque le pas en 2012, avec 798 cas recensés (849 en 2011), mais reste à un niveau élevé. Les généralistes restent les plus exposés. Côté spécialistes, les ophtalmologues sont en première ligne, suivis des psychiatres et des dermatologues. Les centres-villes sont de plus en plus concernés. L’agression est verbale dans 66 % des cas. Plus de la moitié des médecins ne donnent aucune suite à l’agression subie. Depuis deux ans, de nombreuses initiatives ont été prises localement pour renforcer la sécurité des cabinets.
PAS DE QUOI crier victoire. Si les violences contre les médecins diminuent légèrement depuis trois ans, l’institution ordinale, qui présentait cette semaine les résultats 2012 de son observatoire de la sécurité, précise que le cru 2012 reste très supérieur à la moyenne des 10 dernières années, qui s’établit à 666 incidents.
Le conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM° juge également « faible » le taux de dépôt de plaintes (33 %) consécutif à ces incidents.
L’institut IPSOS, qui a réalisé la synthèse de l’enquête, précise que « le caractère facultatif du remplissage des fiches de signalement ne permet pas de calculer précisément l’évolution du nombre total des incidents ».
Il n’empêche. Le Dr Michel Legmann, président du CNOM, juge ces violences « inacceptables » et rappelle qu’elles constituent « un facteur majeur de désertification », nombre de médecins lassés finissant par dévisser leur plaque. La CSMF a vivement réagi. Elle constate que « l’insécurité se développe plus vite dans les cabinets médicaux que dans le reste de la population. Pire, ajoute-t-elle, nombre de médecins victimes de violences n’osent même plus porter plainte ».
• Les centres-villes de plus en plus touchés
La Seine-Saint-Denis est le département où le plus grand nombre d’incidents ont été signalés (suivi du Nord, de Paris, de la Loire, de l’Isère et du Vaucluse). Mais le rapport entre le nombre d’incidents et le nombre de médecins en exercice met en tête le Vaucluse où 1,9 % des praticiens ont été victimes d’une agression physique ou verbale. Viennent ensuite la Loire (1,5 %) le Cher (1,2 %), la Savoie et le Cantal (1,1 %), puis la Creuse et le Tarn-et-Garonne (1 %).
Selon l’enquête, ces agressions touchent de plus en plus les milieux urbains, et plus particulièrement les centres-villes : 58 % des incidents en 2012, un score en hausse de 3 points sur un an, et de 14 points sur 4 ans ! Pour le Dr Bernard Le Douarin, qui a supervisé cette enquête pour le CNOM, « la raréfaction de l’offre médicale en banlieue a pu jouer » dans cette évolution. En 2012, 26 % des incidents ont été recensés en banlieue (31 % en 2010) et 14 % en milieu rural (16 % en 2010).
Dans 77 % des cas (+ 4 points en un an), ces incidents ont lieu dans le cadre d’un exercice de ville. La proportion d’agressions en établissements de soins décroît à 16 % (22 % en 2010). Les hôpitaux publics sont deux fois plus touchés que les établissements privés.
• Les généralistes premiers exposés, les femmes de plus en plus
Principaux exposés, les omnipraticiens sont la cible de 56 % des agressions, alors qu’ils ne constituent que 46 % du corps médical. À l’inverse, les spécialistes en sont victimes dans 44 % des cas, alors qu’ils représentent 54 % du corps médical. Mais depuis 2008, la proportion de spécialistes victimes ne cesse de croître... Parmi ces spécialités, les ophtalmologues arrivent en tête (6 % des agressions), suivis des psychiatres (5 %), des dermatologues (4 %), des médecins du travail et des gynécologues obstétriciens (3 %).
Les femmes médecins représentent désormais 46 % des déclarations alors qu’elles ne constituent que 42 % de la population médicale. Les médecins eux-mêmes subissent l’agression dans 90 % des cas, mais un collaborateur (secrétaire ou autre) a pu également être visé dans 16 % des cas.
• Le patient « principal agresseur »
Dans 51 % des cas, c’est le patient qui est l’auteur de l’agression (53 % en 2011). Dans 17 % des cas, c’est une personne qui l’accompagnait, et une tierce personne dans 12 % des cas. Curieusement, le médecin ne se prononce pas sur l’identité de l’agresseur dans 24 % des cas, soit qu’il ne le sache pas, soit qu’il préfère le taire.
• Types d’incidents : d’abord des mots
Dans 66 % des cas, l’agression n’est « que » verbale. Le Dr Le Douarin (CNOM) rappelle néanmoins que « le simple fait d’user de menace peut être puni de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende ».
Ces incidents prennent la forme d’un vol ou d’une tentative de vol dans 23 % des cas, d’une agression physique dans 12 % des cas (stagnation) et de vandalisme dans 11 % des cas.
La majorité des agressions physiques consiste en une intrusion dans le cabinet (12 %), puis des coups et blessures volontaires, et moins souvent par des séquestrations, des agressions sexuelles ou des crachats au visage. En cas de vol, le butin est le plus souvent un sac à main, un portefeuille ou une sacoche, un tampon professionnel, un ordonnancier, de l’argent ou des moyens de paiement. Le vol peut parfois avoir pour cible un appareil médical, le véhicule du praticien, un dossier médical, voire une plaque professionnelle. L’Ordre précise que 3 % des agresseurs étaient armés en 2012.
Ces agressions ont provoqué un peu moins d’arrêts de travail pour les praticiens que par le passé : 8 % en 2012 contre 10 % en 2009. Un quart sont des arrêts de travail supérieurs à 8 jours (proportion stable).
• Motifs : la prise en charge incriminée
Le reproche relatif à la qualité de la prise en charge est le motif le plus courant (25 %), avant le vol (21 %), le refus de prescription (17 %) et le temps d’attente jugé excessif (7 %). Sont cités également des motifs moins courants comme le refus de payer la consultation, un patient venu sans rendez-vous, des problèmes administratifs, des décisions médicales contestées, l’alcool ou la drogue (1 %), ou encore le coût du traitement ou l’incompatibilité d’humeur (moins de 1 %).
• Des agressions peu signalées à la police
52 % des praticiens agressés n’ont donné aucune suite judiciaire à l’incident (3 points supplémentaires en deux ans). Seul un médecin sur trois a déposé plainte (moins 5 points sur deux ans), et les mains courantes restent stables à 15 %. Le Dr Legmann précise que la loi autorise les conseils départementaux ordinaux à porter plainte en lieu et place du médecin (ce qui peut le protéger d’éventuelles représailles), et invite les praticiens à signaler systématiquement ces incidents, tant à l’Observatoire de la sécurité qu’à la police.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature