L ES propos du Dr Alain Faye (Assistance Publique-Hôpitaux de Paris) font l'unanimité : « Il n'y a pas de bonne façon d'annoncer une mauvaise nouvelle ». Certaines attitudes sont cependant à éviter, en particulier celle qui, défensive, vise à se prémunir d'avance contre les éventuelles conséquences d'une procédure médico-juridique. En dehors des cas prévus par la loi, insiste le Dr Faye, la matérialité de la preuve est apportée par les traces écrites contenues dans le dossier médical et le courrier. Inutile de faire signer au patient un consentement plus ou moins éclairé ou une liste inquiétante des risques encourus et encore moins de « devancer le législateur » !
Certes, rappelle le Pr Bernard Glorion (président du Conseil national de l'Ordre des médecins), l'obligation d'une information « loyale, claire et appropriée tout au long de la maladie » fait l'objet de l'article 35 du code de déontologie, qui prépare l'article 36 sur le consentement du patient, crucial lui aussi. Certes, il est « terrible » de constater que « des familles se plaignent et qu'elles n'exagèrent pas ». Mais le fondement de l'acte médical réside dans la relation qu'entretiennent le patient et son médecin. Celui-ci ne peut que reconnaître que son patient a changé parce que la société dans laquelle il vit le rend plus instruit, plus informé, soucieux de s'approprier son propre corps et d'établir une alliance contractuelle, fondée sur un transfert de confiance limité.
« Les paroles restent »
Alors, comment faire ? Le Dr Patrice Dosquet a eu la responsabilité de ce problème au sein de l'ANAES. Les recommandations élaborées par celles-ci développent celles du Conseil de l'Ordre et apparaissent très consensuelles. L'information donnée au patient doit l'être de manière orale, avant tout. « Les papiers s'envolent, les paroles restent », selon le Pr Henri Pujol (Ligue contre le cancer). Un document écrit n'est qu'un complément, qui doit être évalué. Dans la majorité des cas, il n'est surtout pas, il faut insister sur ce point, une preuve de consentement. L'information ne doit pas être livrée de façon brutale, mais doit être hiérarchisée et validée et insister d'abord sur les bénéfices escomptés au moyen des soins. Elle doit, bien entendu, être compréhensible pour le malade et le médecin doit s'en assurer.
« L'expérience est incertaine », dit Hippocrate. Le Pr Pujol en convient, mais pondère l'affirmation par les quelques leçons qu'en retire la Ligue contre le cancer. Ne jamais annoncer une mauvaise nouvelle dans un couloir d'hôpital, mais se réserver un espace (la chambre, une pièce autorisant l'intimité). Ne pas donner une information sans disposer de temps, y compris celui qui est nécessaire pour écouter. Ne pas donner d'information hétérogène, différente pour la famille et pour le malade. Ne pas être sur la défensive. Et, il faut, hélas, le rappeler, regarder les gens quand on leur parle.
La Ligue est favorable à la communication du dossier médical au patient, à une condition : qu'il le demande. Le patient a aussi le droit de ne pas savoir. Elle est également en faveur d'une documentation élaborée par les malades pour les malades. Dans ce sens, elle propose actuellement deux documents, disponibles sur son site Internet, donnant les standards du traitement du cancer du sein et du neuroblastome. Ces documents doivent aussi permettre une participation active du patient à son traitement, en lui permettant de poser des questions pertinentes.
En définitive, le patient doit avoir le sentiment que son médecin s'occupe bien de lui, personne humaine, et non pas seulement de sa maladie.
Une enquête menée à l'AP-HP et présentée par le Pr André Lienhardt le montre bien. Une soixantaine de patients ont été interrogés sur l'information qu'ils ont reçue avant une transfusion de sang homologue. Cette information est jugée correcte par 88 % d'entre eux. La grande majorité n'a ressenti ni inquiétude ni soulagement quand elle lui a été livrée, les patients soulagés étant d'ailleurs plus nombreux que les inquiets.
Mais quand les médecins vérifient la réalité des connaissances ainsi transmises, il apparaît que seulement 20 % des patients répondent correctement aux questions. « Nous ne sommes pas là pour faire passer un examen », a sagement commenté le Pr Lienhardt. Qu'est-ce en effet que le devoir d'information, sinon le devoir réactualisé de sollicitude ?
MEDEC, Rencontres Ville-Hôpital organisées par l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris. « Le médecin et l'information du patient ».
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