De notre envoyée spéciale à Istanbul
D ES infectiologues de l'hôpital de Bruxelles ont rapporté, dans un service de soins intensifs, le cas de deux épidémies d'infections à une souche rarement en cause dans les infections nosocomiales : Streptophomonas maltophilia.
Partant du fait qu'il peut exister des contaminations à partir des réseaux de distribution de l'eau au sein de l'hôpital, ils ont procédé à des prélèvements d'eau dans les chambres du service concerné. « Nous avons mis en évidence 5 isolats de cette souche dans l'eau, concomitamment aux épidémies d'infections nosocomiales », explique le Dr Olivier Ronveaux. Une étude par électrophorèse a confirmé la similitude entre les souches présentes dans le réseau de distribution de l'eau et celles mises en évidence cliniquement, soit lors d'une aspiration bronchique, soit au niveau d'un prélèvement sanguin. Les chercheurs soulignent que l'eau semble avoir été contaminée lors du rinçage des endoscopes après désinfection, soit au décours du lavage d'un patient. Les bactéries stagnant dans le siphon du lavabo l'ont colonisé par voie ascendante, contaminant l'eau qu'il contenait.
Des filtres jetables
Afin de limiter ces épidémies, un système de filtration à l'aide de filtres jetables a été mis en place dans les unités de soins intensifs, et ce système, en raison de son coût élevé, a été remplacé dans un second temps par un matériel de pompe permettant une adjonction constante de produits chlorés dans l'eau. Ces deux mesures ont permis l'arrêt des phénomènes de contagion, mais les infectiologues restent prudents et continuent à procéder à des prélèvements systématiques dans le réseau de distribution d'eau.
Le Dr Regina Watschinger (Linz, Autriche) a, pour sa part, expliqué que dans son hôpital, des souches d' Acinetobacter baumannii, résistantes à plusieurs antibiotiques, ont été mises en évidence chez des patients hospitalisés en soins intensifs. Ces malades porteurs de sonde gastrique étaient nourris par ce biais et les sondes étaient systématiquement rincées, après le passage des aliments, à l'aide d'une solution de thé maintenue au chaud à l'intérieur de bouteilles Thermos. « Nous avons donc examiné deux des bouteilles Thermos. Et dans l'une d'entre elles, nous avons isolé une souche multirésistante de cet Acinetobacter baumannii », explique la microbiologiste autrichienne. « Nous nous sommes ensuite intéressés à 56 autres bouteilles de thé prélevées dans neuf services de trois hôpitaux distincts. Près de la moitié - 26 exactement --se sont révélées être également contaminées par des bactéries », poursuit le Dr Watschinger. Des méthodes d'identification ont alors montré que les souches isolées dans les bouteilles Thermos étaient bien celles retrouvées au niveau des sondes gastriques des patients. La contamination bactérienne se produisait dans le liquide qui stagne entre les deux parois du Thermos, en raison de la mauvaise étanchéité du joint de caoutchouc rendu poreux par les stérilisations successives.
Les malades en suite de greffe de moelle
Parmi les autres germes responsables d'infections hospitalières, Pseudomonas aeruginosa est particulièrement redouté en raison de sa résistance aux antibiotiques utilisés habituellement. Récemment, à l'hôpital universitaire de Bâle (Suisse), une véritable épidémie d'infections dues à ce germe a été détectée au sein de l'unité spéciale d'isolement, destinée à accueillir les malades en suite de greffe de moelle osseuse. Pourtant, ce bâtiment avait fait l'objet de travaux coûteux, et notamment l'installation d'un système centralisé de traitement de l'eau, faisant appel à des filtres ultrafins, et une circulation d'eau continue destinée à éviter toute stagnation, un risque bien connu de création de foyers de germes nosocomiaux. « Malgré ces précautions, les infectiologues ont isolé, avant même que l'unité accueille ses premiers malades, des Pseudomonas dans le circuit de distribution de l'eau », rapporte le Dr Andreas Widmer. Et des chocs thermiques répétés avec de l'eau à 80 °C pendant dix minutes n'ont rien changé à la situation. Le phénomène n'a pu être jugulé que par un changement des filtres du système d'adduction d'eau.
D'autres communications ont rapporté des infections nosocomiales à des bactéries telles que Burkholderia cepacia ou Legionella, par le biais soit de solutions anesthésiques contaminées, soit, dans le cas des légionelles, par des installations d'eau qui favorisent la multiplication de ces bactéries : tuyaux d'eau potable, robinets, pommes de douche, système d'humidification de l'air conditionné, nébulisateurs... Enfin, le Dr Victor Yu a souligné que « des tests de laboratoires spécialisés sont nécessaires pour établir ce type d'infections ; or, ils sont rarement utilisés en routine dans les hôpitaux européens. Le nombre des cas d'infections nosocomiales transmises par l'eau est donc vraisemblablement sous-estimé ».
* European Congress on Clinical Microbiology and Infectious Diseases, Istanbul, du 1er au 4 avril 2001.
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