Q UELQUES dates méritent d'être rappelées :
- 1944 : Willem Kolff obtient le premier succès clinique de l'hémodialyse ;
- 1959 : O'Brien, Baxter et Teschan démontrent que l'hémodialyse quotidienne pendantvingt-deux jours maintient en vie et « remarquablement libres de symptômes urémiques » 13 patients en insuffisance rénale aiguë ;
- 1960 : Scribner et coll. rapportent que l'hémodialyse itérative prolonge la vie de deux patients en insuffisance rénale terminale (intervalle entre deux dialyses : de 7 à 21 jours ; durée des dialyses : de 24 à 76 heures) ;
- 1975 : à l'époque où l'on dialyse les patients trois fois par semaine pendant 5 heures, Snyder et coll. font passer six patients à cinq séances hebdomadaires de 2 heures pour les hommes et une 90 minutes pour les femmes, et observent, au bout de 2 à 17 mois, une « amélioration clinique générale » ;
- dans le quart de siècle qui suit, l'option de la dialyse quotidienne est largement ignorée ; ce n'est que dernièrement que l'idée a été réexaminée en Italie, au Canada et aux Etats-Unis ;
- récemment, est apparue l'hémodialyse nocturne, qui permet aux patients de se dialyser chez eux 7 nuits par semaine pendant leur sommeil (Pierratos et coll. ; « J Am Soc Nephrol », 1998 9 : 859-868).
Voilà pour les dates. Pour ce qui est de l'apnée du sommeil, elle est très fréquente chez les insuffisants rénaux chroniques : sa prévalence va de 50 à 70 % ; à l'inverse de la transplantation, ni l'hémodialyse conventionnelle ni la dialyse péritonéale ne changent sa fréquence ou sa sévérité. Il était donc intéressant de voir si l'hémodialyse nocturne pouvait changer le cours des choses. C'est ce qu'on fait des Canadiens.
Des séances douces de 8 à 10 heures
L'étude a porté sur 14 patients qui étaient dialysés trois fois quatre heures par semaine. Ils ont subi un enregistrement nocturne du sommeil, puis sont passés à des séances « douces » (surface dialyseur : 0,7 m2 ; dialysat à 100 ml/min) nocturnes de huit à dix heures, six à sept nuits par semaine (voie d'abord jugulaire interne). De huit à quinze mois, plus tard, ils ont eu deux enregistrements du sommeil, une fois pendant une dialyse, une fois en dehors.
Les résultats sont bons, tant sur le plan épuration que sur le plan apnée :
- la créatinine sérique est passée de 1 131 ± 287 µmol/l à 342 ± 101) ;
- la fréquence des apnées et hypoapnées est passée de 25 ± 25 à 8 ± 8 par heure de sommeil ; cette réduction a porté surtout sur 7 patients ayant une apnée du sommeil, chez qui la fréquence est passée de 89,2 ± 1,8 à 9 ± 9 par heure, avec accroissement de la saturation minimale en oxygène (de 89,2 ± 1,8 à 94,1 ± 1,6 [228]), de la pression partielle transcutanée en CO2 (de 38,5 ± 4,3 à 48,3 ±4,9 mmHg) et des bicarbonates sériques (de 23,2 ± 1,8 à 27,8 ± 0,8 mmol/l) ; chez ces 7 patients, l'index apnée/hypopnée était plus important la nuit sans dialyse que celle avec dialyse, restant toutefois plus bas que dans la période de dialyse conventionnelle.
Conclusion des auteurs : « L'hémodialyse nocturne corrige l'apnée du sommeil associée à l'insuffisance rénale chronique. » Pour expliquer le phénomène, deux hypothèses sont avancées par l'éditorialiste : la correction de l'acidose urémique et l'amélioration de l'oxygénation (la membrane du dialyseur agissant à la façon d'un poumon artificiel).
P. Hanly et A. Pierratos. « New England Journal of Medicine » du 11 janvier 2001, pp. 102-107 et 134-135.
Les atouts
L'équipe du Pr Traeger (Lyon) est en train de démontrer, dans une étude pilote chez huit patients, qu'une dialyse quotidienne de 2 h 30 permet au patient de retrouver sa totale liberté alimentaire ; il n'est plus dénutri, a un excellent état général et un très bon moral.
Mais la dialyse quotidienne n'a-t-elle pas un prix trop élevé ? Au contraire, estime le Pr Traeger, le rapport coût/bénéfice est probablement en faveur de la dialyse quotidienne : les patients vont mieux, sont moins souvent hospitalisés, n'ont plus besoin de suppléments nutritifs, reçoivent moins d'érythropoïétine pour corriger leur anémie, ont moins d'HTA, ce qui réduit l'usage de médicaments anti-hypertenseurs. Toutefois, cette étude médico-économique reste à faire.
Lire l'article du Dr Pierre Simon dans « le Quotidien » du 6 septembre 2000 (compte rendu du Congrès de l'International Society of Renal Nutrition and Metabolism)
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