Des progrès en réanimation chez la femme enceinte

Grossesse et Covid : l’heure du bilan

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Publié le 23/06/2023
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En reflux, la pandémie de Covid a au moins eu le mérite de faire progresser la délicate prise en charge du syndrome de détresse respiratoire aigu de la femme enceinte.
Les réanimateurs ont gagné en expérience chez la femme enceinte

Les réanimateurs ont gagné en expérience chez la femme enceinte
Crédit photo : PASSIM/PHANIE

À l’image de ce qu’il s’est passé en population générale, les différents variants de Covid-19 n’ont pas eu les mêmes conséquences chez les femmes enceintes. Les variants agressifs en population générale l’étaient aussi pour les femmes enceintes et leurs fœtus. Et les facteurs de risque de gravité étaient les mêmes : obésité, diabète de type 1 (surtout s’il était déséquilibré) et, dans une moindre mesure, l’âge, car les femmes enceintes n’entrent pas dans la population âgée.

Pas de formes graves actuellement

Les formes symptomatiques de Covid sont en forte régression chez les femmes enceintes depuis quelques mois et celles qui persistent sont essentiellement modérées. « Sur le plan fœtal, nous ne voyons plus non plus de formes placentaires, avec des tableaux de retard de croissance intra-utérin très sévères et très brutaux, comme c’était le cas à l’automne 2020 avec le variant Sars-CoV-2, voire des morts fœtales in utero, qui survenaient dans 1 à 2 % des cas d’infections maternelles, indépendamment de la sévérité du tableau maternel. Ces formes étaient assez caractéristiques, avec des dépôts de fibrinogène très importants au niveau du placenta », explique le Pr Cyril Huissoud, chef du service de l’hôpital Femme Mère Enfant de Lyon.

Par ailleurs, la couverture vaccinale étant bien meilleure aujourd’hui, la vaccination anti-Covid, bien que toujours proposée aux femmes enceintes, n’est plus systématique. « Nous restons cependant vigilants, au cas où un nouveau variant plus virulent serait en circulation », prévient le Pr Huissoud.

Une meilleure gestion du SDRA

Avant le Covid, le syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) de la femme enceinte était une situation clinique pour laquelle il existait peu de données. La pandémie a au moins eu le mérite de beaucoup faire progresser cet aspect. « Des études ont montré que, contrairement à ce que nous pensions, faire naître l’enfant n’améliore pas forcément l’état respiratoire de la mère. Fort de cette expérience, en cas de SDRA survenant précocement au cours de la grossesse (milieu ou fin du 2e trimestre), nous sommes donc devenus plus parcimonieux sur les indications de césarienne. La question se pose moins au cours du troisième trimestre : la volémie et la compression diaphragmatique sont plus importantes, ce qui aggrave la gêne occasionnée pour la mère et, en contrepartie, il y a moins de risques à faire naître l’enfant prématurément : la césarienne est indiquée plus facilement. Pour toutes ces raisons, aujourd’hui, en cas de SDRA survenant à un terme assez précoce, parfois aux limites de la viabilité du fœtus, la tendance est d’attendre avant de prendre une décision de césarienne », résume le Pr Huissoud.

Les réanimateurs ont aussi progressé dans la gestion des SDRA de la femme enceinte. Ils ont désormais recours à des oxygénations moins invasives (oxygénation à haut débit) avec la possibilité, dans certains centres spécialisés, de mettre les femmes enceintes en décubitus ventral sur des tables spécifiques, car celui-ci améliore certains paramètres d’oxygénation.

Dans certaines formes très sévères de SDRA telles qu’a pu en provoquer l’infection à Sars-CoV-2, les lésions pulmonaires, souvent diffuses, pouvaient aboutir en quelques jours à une atteinte majeure des surfaces d’échanges gazeux. Or l’hypoxémie provoque ou aggrave les dysfonctions d’organes, menaçant la survie à court terme : « dans cette situation particulière, l’oxygénation extracorporelle (Ecmo) représente un vrai progrès et les réanimateurs ont gagné en expérience chez la femme enceinte. Cela nécessite toutefois la présence de l’obstétricien en réanimation. Il s’agit de situations rares, extrêmes, où la vie de la patiente est péril : cette technique a permis de maintenir des femmes en vie en attendant la transplantation pulmonaire », relate le Pr Huissoud.

Exergue : « Nous sommes donc devenus plus parcimonieux sur les indications de césarienne »

Entretien avec le Pr Cyril Huissoud, chef du service de l’hôpital Femme Mère Enfant ou HFME de Lyon

Dr Nathalie Szapiro
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Source : Bilan Spécialiste