De notre correspondant
L' AUTEUR de « Rhapsody in blue » et de « Porgy and Bess » est mort en juillet 1937 à l'âge de 38 ans. C'est l'âge qu'a aujourd'hui le Dr Sloop, lequel est un admirateur passionné de l'uvre de Gershwin, qu'il considère comme l'un des plus grands compositeurs du siècle.
La littérature sur la maladie qui a emporté Gershwin alors qu'il était au faîte de sa gloire est déjà abondante. Bien entendu, le Dr Sloop l'a soigneusement passée en revue. Pathologiste au Charity Hospital de La Nouvelle-Orléans et professeur de pathologie à la faculté de médecine de l'université de Louisiane, il affirme que les médecins de l'époque, qui ont pratiqué une autopsie sur la dépouille de Gershwin, ont commis une erreur de diagnostic : selon le Dr Sloop, la tumeur cérébrale qui a tué le compositeur n'était pas cancéreuse et pouvait être aisément extraite par les neurochirurgiens, en dépit des limites qui réduisaient, il y a 64 ans, le champ de leur discipline. D'ailleurs, Gershwin a subi une intervention chirurgicale, mais elle a été réalisée trop tard.
L'ablation précoce de la tumeur, située dans la partie inférieure droite du cerveau, celle-là même où serait localisé le sens de la musique, aurait alors empêché Gershwin de produire de nouvelles chansons, ajoute le Dr Sloop. Mais au moins aurait-elle prolongé sa vie.
Une radio explicite
La preuve brandie par le Dr Sloop, c'est un cliché radiologique où la tumeur est recouverte par un kyste, lui-même contenant un fluide et un nodule. « Or, dit-il au "Quotidien", les tumeurs cancéreuses sont solides. Ce que je vois sur le cliché me fait pencher pour une tumeur bénigne. L'anatomopathologiste qui évoque une tumeur cancéreuse dans son rapport a donc confondu les deux types de tumeur. Il était parfaitement possible, à l'époque, si le diagnostic de tumeur bénigne avait été fait assez tôt, de procéder à l'ablation. Même en 1937, ils étaient efficaces dans ce domaine. »
« On peut reconstituer l'histoire de la maladie de Gershwin de cette manière, poursuit le Dr Sloop : la tumeur s'est progressivement remplie de liquide, elle a donc beaucoup grossi, exerçant une forte pression sur les parois du crâne et sur la partie du cerveau qui contrôle les battements du cur et la respiration. Que la tumeur soit maligne ou non, le phénomène, une hernie, entraîne le coma et le décès au bout de 48 heures. C'est probablement ce qui est arrivé. Les médecins de Gershwin sont intervenus trop tard, rien ne pouvait plus le sauver. »
Gershwin était malade longtemps avant de mourir. A 23 ans, il se plaignait d'une forte constipation et de maux d'estomac. Ses médecins pensaient que ses souffrances étaient de nature psychosomatique et n'ont jamais soigné que les symptômes sans en chercher la cause profonde. « Personne ne me croit quand je dis que suis malade », affirmait l'auteur de « I got rythm ». Mais aux yeux du Dr Sloop, les symptômes, qu'il a retrouvés non seulement dans des articles médicaux mais dans des commentaires de la presse de l'époque, correspondent bien aux symptômes que peut causer une tumeur bénigne du cerveau. « Tout le monde chuchotait qu'il avait un cancer. Mais en quelques mois, une tumeur maligne du cerveau fait des ravages, alors que les symptômes gastro-intestinaux de Gershwin ont duré des années. J'ajoute que le compositeur avait souvent une conduite névrotique, parfois même incohérente : une fois, il s'est couvert le corps de chocolat ; une autre, il a conduit sa voiture comme un fou ; et on l'a même vu tenter (mais en vain) de défenestrer son chauffeur d'une automobile en marche. Tous ces actes bizarres peuvent être attribués à une tumeur bénigne dans le lobe temporal droit.
Il voulait guérir
Par ailleurs, ses "folies" apparentes ne l'empêchaient pas de chercher à guérir avec ardeur. On le disait névrosé, ou même cinglé, mais il a essayé avec acharnement d'obtenir de ses médecins un diagnostic précis et sûr. Ce n'est pas la conduite d'un déséquilibré. »
Cependant, Gershwin s'est comporté comme son pire ennemi le jour où il a refusé une ponction du liquide céphalo-rachidien. La perspective de souffrir le paralysait. Le Dr Sloop estime que si la ponction avait été faite, le diagnostic correct aurait été établi. « Les médecins se seraient alors aperçus que la pression exercée dans son cerveau était très élevée, et que, loin d'avoir des problèmes émotionnels, Gershwin souffrait gravement sur le plan physiologique. »
Par rapport aux études précédentes, dont un certain nombre ont déjà évoqué la présence d'une tumeur bénigne, le Dr Sloop estime que, grâce à cette fameuse radio du cerveau de Gershwin, mentionnée plus haut et qu'il a trouvée chez un anatomopathologiste de Californie, il dispose d'une preuve nouvelle et irréfutable. « L'image montre bien qu'il n'y a pas de cellules mortes. Et il y a toujours des cellules mortes autour d'une tumeur cancéreuse. »
Le Dr Sloop est satisfait de son travail, dans la mesure où il réhabilite Gershwin : « C'était un grand homme que les gens ont méprisé à cause de névroses dont il ne souffrait pas », dit-il en conclusion.
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