« L ES actions et interactions de la nourriture sur le tube digestif sont complexes et il faut se méfier des théories simplistes », prévient R.A. Goodlad (Londres), dans un article princeps publié dans « Gut », où il analyse l'ensemble des arguments, qui donnent lieu à controverses, concernant les effets des fibres sur le côlon. Sont-elles protectrices contre le cancer du côlon, comme cela est admis depuis longtemps, ou bien au contraire délétères, comme certains travaux pourraient le laisser penser ?
Au terme de son argumentation, largement étayée, cet auteur estime toujours valable le conseil diététique du respect d'un régime varié, en mangeant de tout avec modération, de l'éviction de l'obésité et des bienfaits de l'exercice. « Je conseille toujours de manger des fibres en quantité, mais seulement provenant d'aliments qui en sont riches, en favorisant les fruits et les légumes, intéressants pour leur accompagnement en micronutriments et leur pauvreté calorique », avise cet auteur.
Il faut reconnaître que les études sont aussi nombreuses que variées dans leurs résultats. Un premier rapport de Boston (1999), chez 88 000 infirmières suivies pendant seize ans, ouvrait la controverse en ne montrant aucun effet protecteur des fibres vis-à-vis du cancer du côlon. S'en sont suivies plusieurs études allant dans le même sens, montrant une protection nulle contre les polypes coliques, que ce soit par supplémentation en fibres (Schatzkin, 2000), ou en étudiant les fruits et légumes (Michels, 2000). Plus encore, certains trouvent une augmentation du risque de polypes (Bonithon-Kopp, 2000), voire même du cancer lui-même (Fuchs, 1999).
La méthodologie des études
Avant de « jeter le bébé avec l'eau du bain », interrogeons-nous sur la méthodologie des études et sur ce que l'on entend par fibres alimentaires. Il existe de grandes variations dans les contenus en fibres des différentes études, fait remarquer Goodlad. Le cancer du côlon étant à développement lent, les critères d'évaluation intermédiaires limitent la portée des résultats des études.
Quand aux fibres, il en existe une très grande variété. La cellulose est la plus répandue, mais non digérée par l'intestin humain et soumise à fermentation. Il en est de même pour la chitine, pourtant largement utilisée dans les suppléments de fibres. « Les fibres sont considérées comme un spectre de concept plutôt que comme une substance », insiste l'auteur.
Il rappelle qu'à l'origine, Denis Burkitt, qui avait au début des années 70 montré chez les Africains une moindre incidence du cancer du côlon et évoqué le rôle à cet égard des fibres, avait aussi insisté sur l'effet « laxatif » du type d'alimentation et sur l'importance du contenu du régime pris dans son ensemble. Le rôle des vitamines et des phytoprotecteurs était souligné.
« Mon travail personnel est centré sur les fibres considérées comme substrat de la flore colique », écrit Goodlad. Un effet important à prendre en compte, tout comme les différences qui peuvent exister entre une supplémentation en fibres et un régime riche en fibres. Augmenter de manière importante l'alimentation en fibres conduit à une fermentation rapide, particulièrement par les suppléments, et à une explosion de l'activité microbienne. La fermentation devient davantage protéolytique, avec des conséquences variées.
La question est donc loin d'être résolue. Seuls le développement de modèles animaux d'étude et de travaux chez les humains pourront permettre de l'approcher plus sereinement.
« Gut » 2001 ; 48 : 587-589.
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