« Déshonorer le corps médical en devenant photographe… » À la fin du XIXe siècle, Antoine Béclère fait entrer les rayons X à l’hôpital, au grand dam de ses collègues qui estiment la radiologie indigne de la médecine… Un peu plus d’un siècle plus tard, la discipline est devenue incontournable et son champ d’action ne cesse d’augmenter.
La révolution du scanner
Si depuis le premier cliché de Röntgen en 1895 les progrès ont été continus, ce sont surtout les années 70 qui ont précipité les choses avec un tournant décisif en 1972. Cette année-là, l’ingénieur britannique Geoffrey Hounsfield réussit pour la première fois à coupler ordinateur et rayon X permettant d’obtenir des images numérisées à partir d’une acquisition par rayon X. Nait ainsi le premier scanner cérébral qui sera présenté au congrès Nord Américain de radiologie de Décembre 72. Au début, « les résultats du scanner étaient des colonnes de chiffres mais c’était déjà merveilleux car en joignant les isodoses on pouvait reconstruire les structures et voir s’il se passait quelque chose à l’intérieur du cerveau » se souvient le Pr Henri Nahum, ancien secrétaire général de la Société française de radiologie et ancien chef du service de radiologie de l’hôpital Beaujon.
« Au départ pourtant, tout le monde n’a pas été visionnaire et tout le monde n’a pas compris l’importance de cette révolution, explique le Dr Marc Zins, secrétaire général de la société française de radiologie ». Il faudra attendre presque 12 mois et le congrès suivant pour que la communauté scientifique prenne pleinement conscience de ce qui était en train de se jouer. Ensuite tout va très vite : en 1975 le scanner corps entier fait son apparition et à peine 4 ans plus tard Geoffrey Hounsfield reçoit le prix Nobel pour sa découverte.
Il faut dire que le scanner marque vraiment la rupture en permettant pour la première de passer d’une imagerie de projection – éventuellement améliorée par l’injection de produit de contraste – à une imagerie de reconstruction. Des tissus totalement muets en radiologie classique et des organes inaccessibles comme le cerveau ou certains organes profonds vont pouvoir être explorés de façon non invasive. Avec à la clef une véritable modification de la pensée médicale.
En témoignent par exemple, les occlusions intestinales. Les premières descriptions radiologiques sont faites en 1943 dans le livre du chirurgien Henri Mondor. On assiste ensuite pendant une quarantaine d’années à une accumulation quantitative de données permettant d’affiner les connaissances et le décryptage de l’ASP. « Dans le traité de radiologie du Pr Fischgold de 1983, j’avais écrit un article dans lequel je décrivais avec force et détails ce que pouvait apporter telle ou telle incidence, comment distinguer une occlusion fonctionnelle d’une occlusion organique, etc. . Je pensais alors avoir fourni un travail qui serait utile pour plusieurs générations ». C’était sans compter sur le bond qualitatif du scanner, qui viendra peu de temps après bouleverser la donne en permettant de diagnostiquer une occlusion, de voir l’endroit précis d’une torsion du grêle voire de renseigner sur l’état de vascularisation de la paroi. Le diagnostic d’occlusion qui était suspecté cliniquement et confirmé par la chirurgie devient scanographique tandis que la laparotomie exploratrice disparaît.
Les cinq glorieuses
En parallèle au scanner, l’échographie se développe avec l’arrivée en 1974 de l’échographie haute résolution en temps réel. « La technique (envoie d’ultrason et recueil d’un signal) existait déjà notamment avec le sonar militaire, mais elle n’avait pas connu jusque-là de développement médical important » commente le Dr Zins.
Un peu plus tard sont publiés en 1977 les premiers articles établissant l’intérêt de la résonance magnétique nucléaire en santé et en imagerie. « Là encore les champs magnétiques étaient connus depuis longtemps mais leur application à l’imagerie médicale n’avait encore jamais été imaginée ». Il faut attendre les années 80 pour voir arriver les premières machines d’IRM « mais dès 77, tout était prêt ».
« Les années 72 à 77 sont donc vraiment les 5 années qui ont révolutionné l’imagerie médicale » résume le Dr Zins. Ensuite la discipline a connu d’autres évolutions « mais sans commune mesure avec cette époque-là ».
De l’anatomique au fonctionnel
La période récente est pourtant riche. Avec, au cours de ces 15 à 20 dernières années, le passage d’une imagerie purement anatomique à une imagerie fonctionnelle. Grâce à l’utilisation de biomarqueurs, il devient possible en scanner, en IRM voire même en écho, de quantifier un certain nombre d’anomalies, d’objectiver comment fonctionne un organe voire une cellule, de documenter la perfusion ou la diffusion tissulaire, etc.
En parallèle, la radio interventionnelle prend une place croissante avec des gestes à visée diagnostique devenus banals – comme la ponction biopsie mammaire sous guidage radiologique par exemple –, voire à visée thérapeutique, comme l’angiographie avec embolisation hémostatique. Ou tout récemment comme la thrombectomie par voie endovasculaire proposée en neuroradiologie interventionnelle depuis quelques années pour le traitement de certains AVC ischémiques.
Et déjà se profile l’imagerie hybride qui associe l’apport morphologique du scanner aux données métaboliques de l’imagerie nucléaire. Pendant de ces évolutions, l’organisation de la discipline et le métier de radiologue évoluent, avec une implication croissante dans l’ensemble de la prise en charge des patients et une approche clinique « renforcée ». Tandis que les examens se multiplient .
La radioprotection , une préoccupation réelle mais tardive
En miroir, la radioprotection devient une préoccupation croissante surtout après la publication de Brenner en 2007 dans le New England Journal of Medicine. Dans cet article, l’auteur estime qu’aux États-Unis deux cancers sur cent seront bientôt liés à la dose reçue en scanner si rien ne change.
Si ces résultats ont été très discutés et critiqués ils auront servi d’électrochoc et encouragé les constructeurs à développer des appareils moins irradiants avec des réductions des doses qui dépassent 50 % voire 75 % pour certains scanners.
Les dates clés
› 1972. Premier scanner cérébral.
› 1974. Début de l’échographie en temps réel.
› 1977. Premières publications étayant le bénéfice de la résonance magnétique.
› 1979. Geoffrey Hounsfield reçoit le prix Nobel pour sa découverte du scanner.
› 2007. Brenner et al. alertent sur les risques de cancers radio-induits.
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