« Si je faisais de la médecine en étant très technique -les symptomes, le diagnostic, un traitement- à la fin de la journée, j’aurai l’impression de n’avoir rien fait… » Le Dr Tura Milo résume ainsi sa façon de travailler devant la caméra de Josiane Maisse. Cette généraliste parisienne qui exerce dans le quartier latin depuis 1994 est en effet l’un des acteurs (de santé) d’un moyen métrage de 30 minutes qui ambitionne de présenter la médecine en général -et la médecine générale en particulier- sous l’angle du « care ». Dans ce domaine, la réalisatrice n’en est pas à sa première exploration ni des métiers du soin, ni du « prendre soin ». Et c’est tout naturellement que « L’automne de Francine » (titre clin d’œil à la fille de Descartes qui mourut à l’âge de cinq ans) prend sa place après une série de films qui ont donné la parole à des infirmières à domicile (« L’été de Suzanne »), des ASH en soins palliatifs (« Le Noël de Danielle ») ou des aides-soignantes en Ehpad (« Le printemps d’Emilie)... Au cœur de ces productions : le rôle des femmes dans le soin, la place de l’humain et la vulnérabilité des corps et des âmes.
Cette fois, le documentaire met donc en scène des médecins, mais aussi –c’est plutôt rare depuis « La Consultation » d’Hélène de Crécy- des patients qui ont accepté de laisser entrer la caméra dans le colloque singulier. Tura Milo est le médecin traitant de l’époux de Josiane Maisse. Et c’est comme ça que la généraliste a été contactée. Dans le couple, l’un est cinéaste, l’autre scénariste-réalisatrice. Et en leur compagnie, le Dr Milo -que l’on découvre avec des patients de longue date- assure qu’elle a rapidement oublié la caméra : « Il n’y a eu deux jours de tournage, on n’a pas fait 60 prises, c’était de vraies consultations. »
On découvre donc le quotidien de cette généraliste qui fut longtemps attachée dans le service de médecine interne de la Pitié Salpétrière, qui consulte avec son petit chien et explique que pour elle le temps ne compte pas : « quand je travaille, je ne regarde pas l’heure, » commente-t-elle, avouant des consultations d’une demi-heure. On la suit avec plusieurs vieux patients et le film met en lumière un pan essentiel de la médecine générale qu’on a parfois tendance à laisser de côté à l’heure de l’evidence-based médecine. « Je ne peux considérer le patient dans sa globalité, si physiquement je ne l’ai pas examiné dans sa globalité », raconte par exemple le Dr Milo, qui insiste aussi sur l’importance du contact avec le patient.
Dans le documentaire, sa vision de la médecine et du soin est croisée avec l’analyse d’un anesthésiste, Marcel-Louis Viallard aujourd’hui enseignant et responsable de l’unité de soins palliatif de l’hôpital Necker : « si vous partez de l’idée que la base de votre métier c’est d’abord et avant tout rencontrer des gens, alors vous allez croiser un regard », explique-t-il à ses étudiants. Le film évoque aussi les partenaires naturels du médecin généraliste, radiologues notamment. Et comme l’explique Josiane Maisse, il lève le voile sur une facette des grandeurs et servitudes de cette profession : « on entend souvent les médias déplorer la situation économique des médecins généralistes sans assez se pencher sur ce qui fait l’essence même de la difficulté et de la complexité de leur activité quotidienne : la prise en charge du corps des patients. » Le film insiste sur l’importance de cette dimension, alors que le vieillissement de la population place de plus en plus les généralistes dans "une place à part dans la hiérachie des professionnels de santé".
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