Les exemples ne manquent pas pour illustrer le phénomène. Il y a quelques jours encore, une généraliste rémoise de 35 ans téléphonait à Marcel Garrigou-Granchamps : elle va fermer son cabinet en décembre, fatiguée d’être inquiétée pour ses prescriptions d’indemnités journalières (IJ). « La pression est extrêmement importante depuis une dizaine d’années, assure celui qui anime la cellule juridique de la FMF depuis sa création, en 2005, l’Assurance Maladie ne se rend pas compte de la violence des courriers qu’elle envoie aux médecins ». Des mises en garde qui portent, aujourd’hui, sur les IJ, les hypocholestérolémiants ou encore les ordonnances « non substituables » (NS).
La tendance de contrôle de l’activité des généralistes par les caisses est désormais bien ancrée. Mais sa première étape ne date pas d’hier : elle remonte à la mise en place de l’ordonnancier bizone pour les patients en ALD, en 1986. Marcel Garrigou-Grandchamps se souvient d’un « entretien surréaliste qui niait le rôle social du médecin ». Il était reproché à l’un de ses confrères lyonnais d’avoir, à une patiente diabétique, prescrit un traitement antibiotique dans le « cadre ALD ». Pour Marcel Garrigou-Granchamps, « ça n’était pas une faute de le mettre à 100 %, ce qu’a totalement nié le médecin conseil ». Et de noter qu’il est « plus facile de soigner des dossiers que des patients... ».
Presque vingt ans plus tard, la réforme Douste-Bertrand de l’Assurance maladie introduit le mécanisme d’entente préalable. Imaginé en 2004, « il était circonscrit aux IJ et transports sanitaires, mais maintenant c’est possible pour n’importe quelle prescription », souligne le généraliste de la FMF. Cette logique a été poussée jusqu’à la décision de la Cnamts, en juin 2014, de mettre sous entente préalable deux hypocholestérolémiants. Il ne manque pas non plus de souligner que l’exercice des médecins doit être analysé « à activité comparable ». Une précaution que « l’Assurance maladie ne respecte pas », assure-t-il. Il en veut pour preuve, s’agissant des statistiques sur les IJ, le fait que « les MEP sont comparés au reste des praticiens alors qu’ils ont une activité particulière ».
La politique de promotion des génériques, initiée dans les années 1990, a également contribué à accroître le contrôle des Caisses. Notamment en exigeant des médecins qu’ils inscrivent à la main et en toutes lettres « non substituable », si besoin. Mis à part les « médecins intégristes qui ne sont pas défendables », Marcel Garrigou-Grandchamps considère que « l’Assurance maladie ne joue pas le jeu » et devrait plutôt s’attacher à responsabiliser les patients. Tout comme il souhaiterait qu’elle ne fasse pas une lecture restrictive des conditions dans lesquelles les médecins peuvent apposer la mention « NS ».
Le contrôle médical prévu à l’article 315 du code de la Sécu est, à ses yeux, un autre signe de la place prise par la Cnamts. « C’est ciblé sur les médecins qui sortent un peu de l’ordinaire, décrypte-t-il, on épluche toute leur activité ». S’ils ne sont pas relaxés, les médecins peuvent être condamnés à « une reprise d’indus, un autre volet du harcèlement des Caisses » pour lui, d’autant plus qu’elle « peut être assortie d’une pénalité de 50 % ».
Les dates clés
› 1987. Mise en place de l’ordonnancier bizone.
› 1993. Apparition des Références médicales opposables (RMO).
› 2000. Justification des arrêts de travail et prescriptions de transports sanitaires.
› 2004. entente préalable sur les AT des « mégaprescripteurs ».
› 2012. invention de la mention « non substituable » pour éviter les génériques.
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