LA PÉNURIE d’infirmières relève-t-elle du fantasme ? Deux enquêtes (1) simultanément publiées par la DREES (direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, au ministère de la Santé) établissent en tout cas qu’avec près de 520 000 infirmières en activité au 1er janvier 2010, la profession ne se porte pas si mal que cela. Ses effectifs laissent loin derrière ceux des médecins (212 000 têtes), des pharmaciens (75 000) et des kinés (71 000) ; et ils atteignent, constate la DREES, « un maximum historique », que l’on parle de volume ou de densité. En termes d’évolution, les statistiques montrent que le nombre d’infirmiers a augmenté en moyenne de 2,1 % par an entre 1990 et 1999, puis de 3,2 % depuis 2000 et souligne que « le taux de croissance annuel moyen des infirmiers entre 2000 et 2010 est très supérieur à celui de la population française » (+ 0,7 %).
Passant la profession au microscope, la DREES remarque que la part des femmes (88 %) y est restée stable au cours de la dernière décennie, et que la part des plus de 50 ans (22 % aujourd’hui), tout comme celle des moins de 30 ans (20 %), y sont en hausse. L’âge moyen est stable, à 40,3 ans, et proche de celui de la population active (41 ans). 63 % des infirmières sont salariées du secteur hospitalier (49 % à l’hôpital public, 14 % dans le privé), 21 % sont salariées dans d’autres structures (centres de santé, établissements scolaires…), 12 % sont installées en libéral ; 4 % travaillent dans des établissements accueillant des personnes âgées. Une infirmière sur 4 exerce à temps partiel ; depuis 1993, la durée moyenne de travail de ces professionnelles à temps partiel a légèrement augmenté, « passant de 25,9 heures 26,9 heures » (par semaine). Globalement toutefois, sous l’effet pendant la même période d’une diminution d’une grosse heure de la durée hebdomadaire du travail à temps plein, le nombre total moyen d’heures travaillées par chaque tête de pipe a baissé de 4 %. Ce chiffre, pondéré par la hausse des effectifs (+ 26 % depuis 1993), conduit la DREES à calculer que « finalement, pour les infirmières salariées, le nombre d’heures travaillées par habitant a crû de 12 % entre 1993 et 2008 ».
Face à ces chiffres, les enquêteurs s’interrogent quant à la signification du « sentiment de pénurie (qui) semble perdurer ». Une impression qu’ils jugent « probablement alimentée par le vieillissement de la population, mais aussi par l’inégale répartition des infirmiers sur le territoire ». Sur ce second point, la DREES met en relief des densités pouvant être multipliées par 1,7 entre régions mal loties et région bien dotées (dans le seul secteur libéral, les écarts vont de 1 à 5). La carte de France des densités infirmières ne se superpose pas avec celle des densités médicales – pour ne prendre que cet exemple, l’Ile-de-France, avec 695 infirmières pour 100 000 habitants, enregistre la plus faible densité du pays.
Et demain ? Les statisticiens ont fait des simulations. Selon un scénario reposant sur des comportements de la profession inchangés et des décisions des pouvoirs publics guidées par les mêmes principes qu’aujourd’hui, ils tablent sur une augmentation continue des effectifs infirmiers jusqu’en 2030 (à un rythme moins soutenu qu’actuellement) pour arriver à 657 800 professionnels.
(1) « La profession d’infirmière : situation démographique et trajectoires professionnelles » et « La démographie des infirmiers à l’horizon 2030 », « Études et résultats » n°759 et 760, mai 2011.
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