Entretien

Dr Cécile Monteil, fondatrice d'Eppocrate : « Le numérique n'est pas une solution médicale en soi, rien ne se fera sans le médecin »

Publié le 11/02/2016
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Le Dr Cécile Monteil, généraliste aux urgences pédiatriques de l'hôpital Robert Debré, fondatrice d'Eppocrate et directrice médicale d'Ad Scientiam est férue des nouvelles technologies. Elle estime que la transformation numérique ne se fera pas sans toute la communauté médicale. Il est indispensable que les praticiens participent à l'élaboration et la validation des outils et services de demain répondant aux besoins des patients.

LE QUOTIDIEN : Quels avantages apportera la transformation par le numérique au médecin ?

Le Dr Cécile Monteil : Elle apportera de l'aide pour le diagnostic et le choix du traitement dans les situations complexes ou dans le suivi des patients atteints de maladies chroniques grâce aux applications et aux objets connectés. La télémedecine, une fois déployée à l'échelle nationale, transformera également une partie de la pratique avec les téléconsultations et la télé-expertise. Cela aidera également à la gestion des tâches administratives et de la tenue du cabinet ! Mais attention, rien ne se fera sans le médecin mais avec le médecin. Le numérique apporte de nouveaux outils mais n'est pas une solution médicale en soi. Cela peut faire peur aux professionnels qui estiment que cette révolution va rendre leur vie plus compliquée et les faire crouler sous une avalanche de data de leurs patients, voir de les remplacer ! Le but de ces outils est de faire gagner du temps humain avec son patient et de l'efficacité.

Quelques exemples d'applications dont vous vous servez ?

J'utilise « Medpics », une application de partage de photos de cas cliniques. Elle permet lorsque le médecin à une question d'envoyer de façon sécuriser une photo et d'obtenir une réponse assez rapidement par les confrères (environ 6 000 praticiens). J'apprends toujours quelque chose en médecine ce sont souvent des cas spéciaux. J'utilise également "Alivecor", un ECG sur smartphone, c'est une application américaine qui permet grâce à un capteur de dépister les troubles du rythme cardiaque. Mais c'est limité, il n'y a qu'une seule dérivation ce n'est pas suffisant. C'est encore le balbutiement. La plupart des applis et objets connectés ne sont pas pertinents. S'il n'y a pas de valeur ajoutée, ils sont mis au placard. Aujourd'hui il y a une prise de conscience, mais dans le futur, les technologies répondront à un besoin des patients et médecins. Il faut les encadrer, les contrôler et les réglementer. Dans le marché du digital, avant d'accéder au marché il faut démontrer l'efficacité et la sécurité du produit.

Comment accompagner les praticiens dans la transformation du numérique ?

Il faut avant tout les informer. On ne peut pas maîtriser ce que l'on ne connaît pas, et les médecins aujourd'hui n'ont quasiment aucune formation au digital ni à la fac ni après ! Il faut des nouveaux métiers tels que des coordinateurs du parcours de soins, des data analytiques dédiés aux applications. Personne n'est prêt à cette transformation. Il faut décloisonner les frontières entre les médecins et les autres professions, que ceux-ci puissent aller à la rencontre des ingénieurs, designers etc., afin de co-construire les outils de demain. C'est petit à petit, en testant de nouveaux outils, que les plus pertinents émergeront de la masse et seront adoptés avec enthousiasme, il ne faut surtout pas imposer ou forcer les médecins, ça ne marchera pas. C'est justement pour cela qu’ils doivent, tout comme les patients, participer au développement de ces outils, afin qu'ils s'intègrent pour le meilleur dans nos pratiques.


Source : Le Quotidien du médecin: 9470