L A rétinopathie diabétique est une affection fréquente et grave parmi les premières causes de cécité, il s'agit même de la première cause de cécité et de malvoyance avant 65 ans. Pour chaque diabétique, le risque de cécité est multiplié par 50 à 100 par rapport aux non-diabétiques.
La prévalence de la malvoyance varie selon les études de 1,4 à 9 % et celle de la cécité de 2 à 5 % chez les diabétiques. En France, elle serait de 1,2 % pour la cécité et de 7 % pour la malvoyance. L'incidence annuelle de cécité liée à la rétinopathie diabétique est de 1,5 à 2 pour cent mille.
Différentes recommandations américaines et européennes (déclaration de Saint-Vincent en 1990), ainsi que des recommandations nationales de l'ALFEDIAM en 1996 et de l'ANAES en 1999, vont dans le sens d'une surveillance, au moins annuelle, du fond d'il, ainsi que de l'acuité visuelle pour tous les diabétiques. La surveillance doit être accentuée tous les trois à six mois à partir du stade de rétinopathie non proliférative modérée. La photocoagulation par laser est indiquée en cas de rétinopathie diabétique, proliférative ou non proliférative sévère, ou d'dème maculaire cliniquement significatif menaçant la vision.
Certaines périodes de la vie nécessitent une surveillance particulière.
Il n'existe pratiquement pas de rétinopathie avant la puberté et il est inutile de réaliser un examen du fond d'il avant l'âge de 10 ans. De 16 à 20 ans, la prévalence est plus importante, elle nécessite une surveillance régulière du fond d'il et rapprochée, tous les trois à six mois, en cas de rétinopathie débutante.
Un fond d'il est indispensable au début d'une grossesse. S'il n'y a pas de rétinopathie diabétique, l'examen doit être répété trimestriellement. En cas de rétinopathie diabétique, il doit être mensuel, et la présence de toute rétinopathie préproliférante ou proliférante en début de grossesse impose un traitement.
L'équilibre rapide des glycémies lors de la mise sous pompe, en cas de nouveau schéma avec multi-injections chez le diabétique de type 1 ou de mise sous insuline chez le diabétique de type 2, peut aggraver la rétinopathie. Un examen du fond d'il préalable est nécessaire, ainsi qu'un traitement par photocoagulation, en cas de rétinopathie diabétique non proliférative sévère ou proliférative.
D'autres facteurs peuvent entraîner une aggravation de la rétinopathie. Il s'agit de la chirurgie de la cataracte, qui nécessite un suivi du fond d'il tous les six mois, ou de la décompensation tensionnelle ou rénale.
Lorsque ces recommandations sont appliquées, elles permettent de réduire le taux de cécité de 60 % et celui de risque de malvoyance, liée à la rétinopathie, de 50 %. Ainsi, en Islande, entre 1980 et 1994, le dépistage intensif a permis de réduire par un facteur V la prévalence de la cécité, qui est passée de 2,5 à 0,5 % chez les diabétiques.
Dans les statistiques de la CNAMTS en 1999, 40 % des diabétiques de type 2 avaient consulté un ophtalmologiste dans l'année, la proportion étant plus importante lorsque le patient était suivi par un diabétologue. La plupart des consultations ophtalmologiques étaient suscitées pour une prescription de verres correcteurs.
Dans dix ans : 1 120 diabétiques pour un ophtalmologiste
Cette faible surveillance ophtalmologique peut être aussi en rapport avec une compliance insuffisante des patients qui craignent, par exemple, la dilatation pupillaire, mais aussi et surtout avec des problèmes de démographie médicale. Pour le Dr Massin, il y a actuellement 400 diabétiques pour un ophtalmologiste en France et, dans dix ans, on passera, en raison de l'augmentation de l'incidence du diabète et de la diminution de la démographie médicale, à 1 120 par ophtalmologiste. Il n'est donc pas possible techniquement que chaque diabétique puisse bénéficier de cet examen dans les années à venir.
L'examen du fond d'il a une sensibilité de 73 à 76 % dans le dépistage de la rétinopathie diabétique et une spécificité de 95 à 99 %. Il doit être réalisé à pupille dilatée avec une lampe à fente en utilisant éventuellement un verre grossissant.
La photographie du fond d'il est déjà largement utilisée en Grande-Bretagne, au Danemark, aux Etats-Unis. Le principe est d'utiliser une caméra ne nécessitant pas de dilatation pupillaire pour réaliser une photographie. Ce cliché peut être lu en différé et permettre ainsi une sélection des patients diabétiques pouvant bénéficier d'une consultation ophtalmologique.
Classiquement, les photographies ont été réalisées sur des diapositives qui étaient lues secondairement, avec 10 à 25 % de clichés non interprétables, en raison de la non-dilatation, et une sensibilité plus basse que celle de l'examen du fond d'il (de 61 à 65 %). La méthode avait également pour inconvénient de ne pas bien visualiser les néovaisseaux périphériques.
La sensibilité pouvait être améliorée en réalisant une dilatation pupillaire, ce qui permettait de prendre trois photographies par il : une, centrée sur le pôle postérieur, et deux, en périphérie.
Caméras numériques
Actuellement, de nouvelles caméras numériques (TOPCON NW6S) permettent de réaliser des photographies numériques sans dilatation, avec une bonne vision du pôle postérieur et de la périphérie rétinienne. La photographie (qui pourrait être réalisée par un médecin non spécialisé, un technicien, une infirmière, etc.) est visible immédiatement sur un moniteur et peut être refaite si nécessaire. La durée d'examen prend trois ou quatre minutes, en réalisant cinq photographies par il. Il existe un logiciel de reconstruction du fond d'il à partir de ces différentes photographies.
Tout cela permet une transmission numérique à distance à des centres de lecture. L'archivage est également facile grâce à la numérisation. On peut à partir de cette technologie concevoir un système de dépistage en réseau, puisque, avec un lecteur spécialisé qui peut analyser quinze à vingt patients par heure et envoyer un compte rendu avec, éventuellement envoi du patient à l'ophtalmologiste pour une consultation et une prise en charge classique. La sensibilité de cette technique est de 100 % et la spécificité de 90,5 %. Cinquante pour cent des clichés ne sont pas interprétables.
Pour le Dr Massin, cette méthode a pour avantage d'améliorer le dépistage de la rétinopathie diabétique en espérant que 100 % des diabétiques en bénéficient. Elle entraîne une économie de temps médical. Il n'y a pas de perte d'activité pour les ophtalmologistes qui se recentrent sur leur activité de prise en charge des rétinopathies. Une organisation en réseau est possible tant en ville qu'à l'hôpital, mais nécessite un contrôle de qualité.
Dans un futur proche, des logiciels de dépistage automatique de rétinopathie diabétique seront probablement disponibles.
Montpellier. ALFEDIAM, communication du Dr M. Massin (Paris).
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