ARTS
PAR JEAN-JACQUES LEVEQUE
U N événement culturel, l'art américain n'ayant jusqu'alors qu'une audience purement locale et reconnu comme inféodé à ce qui se faisait en Europe. De fait, si la qualité des uvres ne déméritait pas de ce qui se faisait de ce côté-ci de l'Atlantique, il n'était pas évident que cet art aux délicatesses « fin de siècle » puisse rendre, dans toutes ses dimensions physiques, spirituelles et poétiques, un continent qui tentait de trouver son unité culturelle en dépit de la diversité des races, des traditions et des cultures qui le composaient.
Dans son principe même, l'Amérique était un agglomérat de réfugiés de divers continents où déjà se posait le problème cuisant de la fusion des races, la ségrégation étant encore à l'ordre du jour. Ceux qui peignaient, et qui avaient le loisir, et le pouvoir, de le montrer, étaient les possédants du pouvoir civil, détenteurs des finances, situés aux postes clefs d'un pays qui déjà affirmait sa volonté de puissance et ne manquait pas de s'appuyer sur les richesses culturelles du vieux continent pour afficher déjà une puissance qui tenait à sa vitalité.
Si l'Europe et Paris, en particulier, firent bon accueil à cette production artistique, c'est qu'on y trouvait un reflet de ce qui s'y faisait justement dans le même temps. D'ailleurs, maints de ces artistes avaient des contacts étroits avec le milieu culturel européen, et en particulier français. William Merritt Chase, Childe Hassam reçoivent directement l'influence de l'impressionnisme et donnent des gages honorables de leur adhésion à l'art le plus moderne alors. John Singer Sargent qui, après des séjours dans divers centres artistiques européens, se fixe en Angleterre, représente bien cette tendance de la peinture mondaine, aux fines représentations qui évoquent le monde feutré d'Henry James. C'est que l'art américain, à la charnière des deux siècles, est proche de la littérature tant par ses sujets anecdotiques que par la subtilité de ses déclinaisons, où la force du sujet prime sur l'expérimentation picturale qui reste encore la prérogative de l'art européen montrant les voies nouvelles. Whistler est alors une figure internationale, jetant des ponts entre Londres et Paris, entre la peinture et la littérature à travers ses amitiés fécondes avec des personnages clefs de l'époque comme Robert de Montesquiou. Il en résulte une peinture qui n'est américaine que par le label qu'on lui donne et l'origine des artistes.
Il n'en est pas de même avec un art plus primitif qui fait l'objet d'un ouvrage publié chez Somogy, lui-même s'accordant à une exposition qui vient de se tenir à la Mona Bismark Foundation sous le titre « American Folk Art ». On sent là l'odeur du terroir, une naïveté et une fraîcheur infiniment séduisantes.
Autodidactes pour la plupart, les folk painters, dits aussi « limmers » (du mot enlumineur), parcouraient la campagne et peignaient à la commande portraits et vues de propriétés qui, au-delà des conventions du genre, témoignent de la vie des premiers colons.
Les peintres que l'Exposition universelle célébrait étaient le produit de « l'école », des académies d'art, ceux du Folk sont l'émanation sans convention de l'immédiate poésie des chose simples. Ils sont aussi bien mis à contribution pour peindre des enseignes, des girouettes, des objets divers, mettant leur art au service du quotidien.
Ce sont en fait deux conceptions de l'art que ces deux expositions illustrent.
Les artistes américains à l'Exposition universelle, Paris 1900. Musée Carnavalet. Jusqu'au 29 avril.
« American Folk Art ou les Primitifs américains », Editions Somogy.
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