L’ouvrage n’est pas seulement qu’un livre d’art. Giovani Careri renouvelle les perspectives critiques sur un peintre maudit dont le parcours biographique mouvementé a parfois éclipsé la richesse de l’œuvre. Le premier chapitre, éblouissant d’érudition autour du tableau, L’Incrédulité de Saint Thomas conservé à Potsdam, trace le discours de la méthode. L’ambition est bien de révéler la complexité d’un tableau construit autour d’un dispositif où le concept de réflexivité joue là un rôle majeur. La richesse iconographique est ici au service du texte pour saisir une source picturale ou percevoir l’originalité d’une composition. C’est aussi l’instrument privilégié de vérification sur pièce du pouvoir érotique d’un tableau. Le scandale n’est jamais gratuit. L’ambiguïté flotte entre santé et maladie, sensualité et mélancolie, comme dans ce premier Autoportrait en Bacchus où la séduction n’est jamais idéalisée. L’érotisme n’est qu’une partie de l’œuvre traversée par une réflexion originale sur l’expérience physique transformée en expérience spirituelle. L’extase lorsqu’elle se produit relève de la sortie de soi, un concept emprunté à Michel Foucault. Bref cette lecture à travers le miroir dont on n’a reflété qu’un pâle reflet s’impose pour tous ceux qui ont un jour ou l’autre été touchés par le clair-obscur du Caravage.
Avec Nicolas De Staël, la rencontre est sur la crête de la légende en mouvement. Le suicide du peintre en pleine gloire sur la Côte d’Azur ne finit pas d’étonner. L’ouvrage hors norme par son format est plus classique sur le fond. L’auteure a tout lu, tout regardé. Découpé en brefs chapitres, l’ouvrage offre une lecture aisée, séquencée entre le parcours biographique et l’analyse de l’œuvre partagée entre abstraction et figuration. On retiendra les belles pages consacrées à la rencontre entre Nicolas De Staël et René Char où le fruit de leur collaboration ne se réduit pas à un livre illustré, mais ouvre sur une espèce d’expédition géographique et les aphorismes du peintre comme « ne jamais penser au définitif sans l’éphémère ». À chaque page, selon la belle formule de John Berger, l’esprit ici se fraye un chemin. Éblouissant.
Nicolas de Staël. Guitemie Maldonado, Citadelles & Mazenod, 320 pages, 235 euros.
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