Selon les données de la CNAM, 24,5 millions de visites ont été effectuées en 2016, soit près de 9 % de l’activité des généralistes. C'est presque trois fois moins qu'au début des années 2000, lorsque les médecins de famille assuraient 65 millions de visites, soit 23 % de leur activité ! Pour autant, 96 % des généralistes se déplacent toujours pour des visites. Près des deux tiers des omnipraticiens (65 %) en réalisent plus de 150 chaque année, 18 % entre 50 et 100 et 17 % en effectuent moins de 50…
Justification médicale
Ces chiffres illustrent la restructuration de cette activité chronophage, qui n'est pas achevée. Dans un contexte de démographie médicale en souffrance, les syndicats souhaitent valoriser les actes longs et complexes justifiés qui permettent le maintien et la coordination des soins à domicile de patients âgés et dépendants. « Les visites à domicile sont justifiées médicalement pour les patients en perte d’autonomie, ceux atteints de pathologies lourdes ou pour le suivi des soins palliatifs. Elles sont d’autant plus utiles que la baisse des temps d’hospitalisation accroît les besoins de surveillance à domicile », a résumé le Pr Serge Gilberg, directeur du département de médecine générale de la faculté Paris-Descartes, lors du récent congrès de la médecine générale.
De fait, ce sont principalement des patients en ALD qui en bénéficient : plus de 16 millions de visites leur sont consacrées – dont 10 millions pour des patients âgés de plus de 80 ans. Les patients non ALD cumulent de leur côté 8 millions de visites, dont 3,3 millions pour les plus de 80 ans.
Mais à ce jour, sur ces 24 millions de visites réalisées en 2016, seules 43 000 (soit moins de 0,2 %) étaient des visites longues et complexes à domicile facturées comme telles (VL à 70 euros en incluant la majoration de déplacement), réservées aux patients souffrant de maladies neurodégénératives. Ce sont ces visites longues majorées au périmètre actuellement restreint que les syndicats voudraient étendre.
MG France réclame ainsi que la VL soit ouverte aux médecins traitants des patients en incapacité de se déplacer, arguant que ces visites permettent d'éviter le recours à une institutionnalisation précoce en maison de retraite ou EHPAD. Même analyse du côté des Généralistes-CSMF (ex-UNOF). « Si on refusait ces visites, les patients ne viendraient de toute façon pas en cabinet mais seraient orientés en EHPAD », explique le Dr Luc Duquesnel.
En parallèle, SOS Médecins réalise 2,5 millions de visites chaque année. « Les trois quarts concernent les plus de 70 ans alors qu’ils ne représentent que 30 % de la population. Les besoins risquent d’être exponentiels. Il s’agit d’un enjeu de santé publique ! Et le tournant de l’ambulatoire va accentuer ces besoins », analyse le Pr Gilberg.
Socialement indispensables
Jusqu'où ira la baisse du nombre de visites ? Attention à ne pas brusquer les choses, prévient la profession. D'abord parce que ces actes offrent une alternative évidente à l’hospitalisation. « Dans le cas des coliques néphrétiques, sur les 20 225 visites réalisées l’an dernier par SOS pour ce motif, seules 2 340 ont débouché sur une hospitalisation. Elles ont donc bien une pertinence médicale et économique », argumente le Dr Pierre-Henry Juan, président de SOS Médecins France.
Autre avantage : ces actes sont très souvent indispensables socialement dans la mesure où ils garantissent un accès aux soins pour des patients seuls avec un enfant en bas âge, des aidants ou encore des patients en milieu carcéral ou en garde à vue.
Les visites permettent aussi « d’évaluer l’entourage, l’environnement géographique et le voisinage, la structure et l’intérieur du logement et enfin l’autonomie », ajoute le Pr Serge Gilberg. Sans compter que ce déplacement « favorise l’interdisciplinarité en permettant la rencontre avec les infirmières, les kinés et les aidants », complète le Dr Gilles Urbejtel, trésorier de MG France. « Il ne faut donc pas que les médecins s’en détournent par manque de reconnaissance », alerte le Pr Serge Gilberg.
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