Prévention primaire des AVC

Des stents dans les sténoses carotidiennes

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Publié le 19/12/2016
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Les recommandations françaises qui limitent l'angioplastie en prévention primaire des accidents vasculaires cérébraux (AVC) à des cas exceptionnels, pourraient évoluer.

Un grand essai randomisé a montré que l'angioplastie par stent n'était pas inférieure à la chirurgie en prévention primaire des AVC en cas de sténose serrée carotidienne asymptomatique. Publiée dans le « New England Journal of Medicine », l'étude américaine ACT1 tend à montrer que l'angioplastie par stent donne d'aussi bons résultats que l'endartériectomie chez des patients ayant une sténose carotidienne serrée. À ce jour, en France le traitement chirurgical par endartériectomie reste la référence et la place de l'angioplastie carotidienne est limitée (recommandations de la HAS de 2007). L'étude dirigée par les Drs Kenneth Rosenfield et Jon Matsumara (Massachusetts General Hospital) a inclus 1 453 patients âgés au plus de 79 ans, ayant une sténose sévère asymptomatique et non considérés comme à haut risque chirurgical. Le caractère asymptomatique était défini par l'absence d'antécédent d'AVC, d'accident ischémique transitoire (AIT) ou d'amaurose dans les 180 jours précédents. Le critère principal de jugement était composite : survenue d'un évènement à 30 jours (décès, AVC, infarctus du myocarde) ou AVC ipsilatéral à 1 an ; le suivi pouvait aller jusqu'à 5 ans.

La prudence reste de mise

Dans cette étude, le stent est apparu non inférieur à l'endartériectomie avec, respectivement, un taux d'évènement de 3,8 % et 3,4 %. Néanmoins, pour le Pr Pierre Amarenco, neurologue à l'hôpital Bichat (AP-HP) et pionnier dans le développement des unités d'urgence neuro-vasculaire la prudence reste de mise. « Il faut regarder de plus près comment les investigateurs arrivent à cette conclusion. Ils ont choisi une marge de 3 % de différence pour un risque faible de base. En cas de sténose asymptomatique, le risque annuel d'avoir un AVC est de l'ordre de 2 % », souligne-t-il. Par ailleurs, en regardant de plus près, le risque de décès ou d'AVC est de 2,9 % dans le groupe stent et de 1,7 % dans le groupe endartériectomie. Pour le neurologue, « la différence n'est pas significative. L'essai, n'a pas la puissance calculée initialement, puisque le recrutement jugé trop lent a été arrêté prématurément. Par rapport à la chirurgie, il est connu que le stenting comporte un risque plus important de sténose résiduelle et d'embolies distales, comme l'a montré l'étude CREST chez des sujets symptomatiques et asymptomatiques ». Par ailleurs, à plus long terme du 30e jour à 5 ans, aucune différence n'est apparue entre les deux groupes. Selon le Pr Amarenco, « la vraie question à se poser est faut-il opérer ? Faut-il se fonder sur le degré de sténose ? Une intervention chirurgicale fait baisser le risque d'AVC à 1 % par an. En passant de 2 % à 1 %, le bénéfice espéré n'est pas très important. Il y a peut-être un intérêt à traiter des patients à l'espérance de vie longue et ayant une sténose très serrée. D'autres études sont nécessaires, et certaines en cours, notamment avec le Pr Jean-Louis Mas, à l'hôpital Sainte-Anne ». Une évaluation à long terme est nécessaire. « Aujourd'hui, le traitement médical avec les statines et les anti-hypertenseurs comporte des mesures de prévention fortes », précise le Pr Amarenco. « En prévention au long cours, le traitement médical ne fait-il pas aussi bien que le traitement médical ? Pour les sténoses serrées symptomatiques la question se pose également ». Très prochainement sont attendus les résultats à 10 ans de l'étude CREST, qui s'était révélée encourageante à 5 ans pour l'angioplastie carotidienne par rapport à la chirurgie.

Dr Brigitte vallois

Source : Le Quotidien du médecin: 9544