U N certain nombre d'arguments permettent de penser que la schizophrénie pourrait résulter d'un processus infectieux survenant sur un terrain génétique prédisposé.
La contribution de facteurs génétiques a été montrée dans des études de famille, de jumeaux et de sujets adoptés. Alors que l'incidence de la schizophrénie dans la population générale est de 1 %, elle est de 2 % environ chez les parents au troisième degré de sujets atteints, de 2 à 6 % chez les parents au deuxième degré et de 6 à 17 % chez les parents au premier degré. De plus, quand un jumeau est atteint, le risque est de 17 % pour l'autre jumeau dizygote et de 50 % pour l'autre jumeau monozygote. En revanche, le risque n'est pas augmenté chez les enfants adoptés.
Voilà pour les facteurs génétiques. Pour ce qui est des facteurs environnementaux déjà évoqués, il faut rappeler que le risque semble doublé par la malnutrition maternelle sévère pendant le premier trimestre de la grossesse ou par une grippe maternelle pendant le deuxième trimestre ; et qu'une lésion cérébrale périnatale ou une prééclampsie peut multiplier le risque par 7 à 9.
Toutefois, étant donné que la plupart des individus qui ont été exposés à ces problèmes ne développent pas de schizophrénie, on estime qu'il existe d'autres facteurs prédisposants.
Des éléments rétroviraux intégrés dans le génome
Deux études ont déjà émis l'hypothèse que des rétrovirus pourraient faire partie des agents infectieux impliqués dans la pathogenèse de la schizophrénie. On sait en effet que l'homme peut être infecté par un rétrovirus : c'est le cas du VIH et du HTLV. Ces virus exogènes peuvent se répliquer dans le système nerveux central et provoque des troubles neurologiques ou psychiatriques chez certains individus.
Le génome humain contient aussi de nombreux éléments rétroviraux endogènes (HERV pour Human Endogenous RetroViral), qui ont des homologies avec des rétrovirus animaux connus. Quand l'ADN proviral s'insère dans le génome, il peut le faire dans une région codante et, donc, altérer la fonction de la protéine codée par le gène en question ; s'il s'insère à côté du gène, il peut accroître son expression. Enfin, quand des provirus sont intégrés dans les cellules germinales, ils sont transis à la génération suivante. Certaines des séquences HERV peuvent être très anciennes et avoir été transmises depuis Homo sapiens après une infection exogène. Dans le génome humain, de nombreuses séquences HERV sont incomplètes, bien que des séquences provirales complètes ont été identifiées. La grande majorité des HERV sont défectives, mais il n'est pas impossible (c'est toutefois controversé) que certaines séquences HERV puissent coder des protéines virales, produire des particules virales et contribuer à la survenue de maladies.
En tous cas, l'expression tissulaire de certains HERV a été associée à des maladies humaines chroniques : sclérose en plaques, diabète, arthrite auto-immune.
C'est dans ce contexte que Hakan et coll. se sont penchés sur l'éventuelle responsabilité d'un rétrovirus dans la schizophrénie. Ils ont découvert des séquences homologues au gène pol rétroviral dans le liquide céphalo-rachidien de 10 sujets (sur 35 testés, soit 29 %) ayant une schizophrénie ou un trouble schizoaffectif d'apparition récente. En revanche, ils n'ont identifié cette séquence que chez 1 des 20 patients testés ayant une schizophrénie chronique et ne l'ont pas trouvée chez des 22 sujets porteurs de troubles neurologiques non inflammatoires et de 30 sujets n'ayant pas de maladie neurologique ou psychiatrique.
Lé séquence nucléotidique identifiée est similaire à celle de la famille HERV-W et du virus de la leucémie murine. Or, du RNA homologue à celui de la famille HERV-W a été trouvé dans le cortex frontal à l'autopsie de sujets schizophrènes.
« L'activation de certains éléments rétroviraux dans le système nerveux central peut être associée au développement de la schizophrénie au moins chez certains individus. La caractérisation future d'éléments rétroviraux dans le système nerveux central de sujets schizophrènes pourrait conduire à améliorer le diagnostic et la prise en charge de cette maladie », concluent les auteurs.
« Proc Natl Acad Sci USA », avril 2001, pp. 4634-4639 et éditorial (David Lewis) pp. 4293-4294.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature