Exercice professionnel et carrière

Des femmes médecins racontent le plafond de verre

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Publié le 09/07/2018
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femmes medecin

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Comment mener de front une carrière médicale (a fortiori hospitalo-universitaire) et une vie de famille avec des enfants ? La question se pose pour de nombreuses femmes médecins à l'hôpital ; plusieurs d'entre elles ont témoigné lors d'un colloque organisé par le magazine Elle autour des professionnelles de santé.

« À 40 ans, après avoir eu deux enfants, je me suis heurtée à un mur, à des résistances de ma chefferie quand j'ai dit que j'avais des projets professionnels. Je voulais refaire une thèse, postuler à une bourse, on m'a dit que je n'avais plus l'âge et que je n'étais pas à ma place ». Le récit du Dr Karoline Lode-Kolz, pédiatre d'origine norvégienne qui a effectué une partie de ses études et de sa carrière en France, illustre ce « plafond de verre » que peuvent subir les femmes médecins dans le milieu professionnel. L'hôpital n'y échappe pas : seuls 18 % des professeurs universitaires praticiens hospitaliers (PU-PH) sont des femmes. Au sein de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP) les femmes ne représentent que 10 % des chefs de pôle.

Pas de mentors

C'est également le constat du Dr Laura Berlingo, qui vient de finir son internat en gynécologie-obstétrique à l'AP–HP. La jeune femme a précisément soutenu sa thèse sur les femmes et la carrière hospitalo-universitaire, dans laquelle elle diagnostique les aspirations et les difficultés des internes de sa spécialité à Paris. « J'ai constaté que 85 % des internes en gynéco-obstétrique sont des femmes, mais qu'inversement 85 % des PU-PH de la spécialité sont des hommes, explique le Dr Laura Berlingo. Et les femmes déclarent deux fois moins souvent vouloir faire une carrière hospitalo-universitaire. »

En entretien, les internes interrogées déclarent douter de leur capacité à tout mener de front – famille et carrière. « Il y a une forme d'autocensure, car souvent elles ont déjà mis beaucoup d'énergie dans leurs études, précise le Dr Laura Berlingo. Par ailleurs, les femmes qui évoluent dans des spécialités très masculines ont du mal à s'identifier à des mentors. »

Parité théorique et parité de fait

Décourageant le milieu hospitalier ? Le Dr Karoline Lode-Kolz a fini par retourner exercer en Norvège où l'égalité femmes/hommes dans la vie professionnelle (et dans le partage des tâches) est moins théorique qu'en France. « Le congé paternité est beaucoup plus long pour le père et c'est tout à fait courant qu'un chef de service soit à 80 % afin de s'occuper de ses enfants un jour par semaine, assure la pédiatre. Et les deux parents prennent le même nombre de congés pour enfant malade ! »

Les lignent bougent aussi en France et les exemples de carrières abouties ne manquent pas. C'est le cas du Dr Camille Le Ray, gynécologue-obstétricienne à la maternité de Port Royal, maître de conférences universitaire (MCU-PH) et chercheuse à l'Inserm. Son astuce pour gérer ses semaines chargées : être organisée et refuser les journées qui s'éternisent. « Je milite pour les réunions pendant la pause déjeuner et non après 18 heures, afin de pouvoir voir mes enfants le soir, explique le médecin. J'ai aussi la chance d'avoir un conjoint presque plus féministe que moi, on s'arrange pour ne pas être de garde en même temps ! »

Dans son récent livre blanc sur la réforme du système de santé (juin 2018), l'Intersyndicale nationale des internes (ISNI) réclame une « parité de fait ». La structure jeune (dont une enquête de novembre 2017 a démontré l'impact du sexisme sur la carrière hospitalo-universitaire et l'accès à des postes de recherche) appelle de ses vœux des indicateurs statistiques pour « surveiller les déséquilibres dans les progressions de carrière ». Le respect de la parité dans l'accès aux postes de responsabilité ferait partie de l'évaluation des facultés et des centres hospitaliers.      

 

Marie Foult
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Source : Le Quotidien du médecin: 9680