C ERTAINES épilepsies somato-sensorielles, dont la description des premiers cas remonte à la fin du XIXe siècle, avaient encore un mode de déclenchement méconnu. Pour en finir avec les hésitations entre origine psychogène ou origine tactile, l'équipe du Dr Kanemoto a repris toutes les observations bien documentées sur le sujet, dont quatre cas qui lui avaient été adressés en consultation spécialisée, après une errance médicale de plusieurs décennies.
Les quatre observations ont toutes commencé dans l'enfance (de 3 ans à 18 ans) par une sensation de striction ou de picotement paroxystique d'une zone localisée d'un membre, du crâne ou de la bouche, suivie d'une crise partielle motrice, voire d'une généralisation secondaire.
Zones gâchettes
L'histoire clinique des patients est ensuite variable, mais on retrouve le plus souvent la mise en évidence par le patient lui-même d'une zone gâchette dont la stimulation par contacts répétés reproduit la crise : le frottement volontaire d'une épaule, d'un genou, d'une région du thorax ou, de façon beaucoup plus gênante, le brossage des dents, la mastication d'aliments solides (dans le cas d'une zone cible située dans une commissure labiale), le brossage des cheveux (par stimulation d'une zone du vertex) étaient autant de stimulations capables de provoquer des paresthésies progressivement extensives suivies d'une crise tonique. En revanche, dans la période postcritique, tous les patients avaient constaté que la zone gâchette était réfractaire à une nouvelle stimulation.
Brossage des dents
Dans ces observations, la symptomatologie, d'apparence fantaisiste, a fait retenir le diagnostic d'épilepsie psychogène et le traitement anticomitial n'a pas été maintenu. Tous les cas ont évolué vers l'aggravation avec des crises localisées puis généralisées quasi quotidiennes, à l'origine de l'admission dans l'unité spécialisée de l'hôpital de Kyoto où le mode de déclenchement tactile était enfin prouvé. Les patients avaient un examen neuro-psychologique sans particularité, pas d'anomalie à l'EEG intercritique et à l'imagerie (RMN). En revanche, la stimulation durant plusieurs secondes de la zone incriminée déclenchait des pointes ondes caractéristiques qu'un traitement anticonvulsivant adéquat permettait de supprimer.
Pour le Dr Kanemoto, la régularité de la séquence des événements (paresthésie dans la zone sensible s'étendant à d'autres régions du corps à la façon d'une marche jacksonienne) constitue un tableau clinique à ne pas confondre avec l'épilepsie par « tressaillement » que l'on rencontre le plus souvent chez des patients souffrant de lésions cérébrales périnatales graves. La majorité des pathologies aboutissant à un défaut de développement cérébral peuvent provoquer ce type d'épilepsie qui conduit toujours à une crise généralisée.
L'épilepsie par « frottement » survient au contraire chez des personnes sans déficit mental ou neurologique.
Reste un point épineux en rapport avec les divers cas d'épilepsie provoqués par le brossage des dents car les tableaux cliniques sont plus épars et ne correspondent pas toujours à la description de l'épilepsie par stimulation tactile (bilatéralisation immédiate).
Kanemoto et coll., « J. Neurol Neurosurg Psychatry », 2001 ; 70 : 541-543.
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