Les portraits de l'été

Des bancs de la fac aux couloirs des prisons, Stéphane Bouxom un généraliste engagé

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Publié le 08/08/2019
Stéphane Bouxom

Stéphane Bouxom
Crédit photo : dr

Pour Stéphane Bouxom, faire médecine tenait plutôt de la logique que de la vocation. « Cela paraissait évident dans la famille de faire médecine après un bac scientifique », explique-t-il. Il faut dire qu’avec un grand-père généraliste, une mère dentiste et une sœur jumelle qui se destine aussi aux études de médecine, sa destinée n’a rien de surprenant.

Faire un métier utile

Mais si son choix a presque été automatique, son parcours a été loin d’être évident. Après avoir pris un an de disponibilité pour assurer la vice-présidence de l’Anemf (Association nationale des étudiants en médecine de France), le retour à l’externat à Lyon a été très compliqué. Pas forcément très scolaire, Stéphane ne se retrouve pas dans l’esprit "études de médecine". « J’avais l’impression de ne pas être fait pour ces études. On essaye de nous formater dans un moule. Il y a une pression permanente où si t’es pas le premier, c’est que t’es nul ». Le jeune homme a failli changer de voie. Il a même monté un dossier pour se réorienter en dentaire, mais au dernier moment ne l'a pas déposé. Ce qui l'a retenu, c’est notamment son envie d'être utile aux autres. « Avec la médecine, j’avais l’assurance d’avoir un métier où je pouvais aider. J’avais envie de pouvoir me dire qu’à ma petite échelle j’avais contribué au fait que les choses se passent un peu mieux pour tout le monde », explique-t-il. Le choix de la médecine générale n’est pas non plus anodin, « c’est réellement la spécialité où nous sommes au contact des populations dans leur milieu de vie », ajoute-t-il. Pour lui, être médecin est un complet engagement. « Je ne le vis pas du tout comme un sacerdoce mais par contre dans ma pratique, j’aurais du mal à être médecin aujourd’hui s’il n’y avait pas cet engagement, presque ce militantisme ».

Agir plutôt que subir

Cette envie d’être acteur plutôt que spectateur ou commentateur va l’animer pendant toutes ses études, de son externat à Lyon, jusqu’à son internat en médecine générale à Saint-Etienne. Pendant ce parcours, il est constamment élu étudiant. Il fait partie du conseil d’administration de Lyon I, d’une mission solidarité internationale pour le Togo, il participe à une épicerie solidaire, est vice-président de l’Anemf, puis membre du réseau de La Fage (Fédération des Associations Générales Étudiantes). Interne, il devient porte-parole de l’Isnar-IMG (Intersyndicale des internes de médecine générale) puis prend la présidence du syndicat local et de la fédération régionale. « Très vite, je me suis dit que si les choses n’allaient pas mais que je ne faisais que râler ça ne servait à rien, d’où cet engagement », souligne-t-il. « C’est aussi très intéressant de comprendre comment fonctionnent les choses et de pouvoir, grâce à ça, aider concrètement les internes par exemple. »

Favoriser l'accès aux soins derrière les barreaux

Le désormais trentenaire se distingue par des choix impactants dans son parcours extrascolaire mais aussi dans son chemin professionnel. Actuellement en année de recherche, il signera à l’automne prochain un contrat pour rejoindre l’équipe de soins d’une maison d’arrêt. Soigner en prison, c’est lors d’un stage pendant son internat qu’il a mordu à cet exercice particulier. « J’ai découvert un monde incroyable. On y rencontre une population très variée, avec une diversité de pathologies. Il y a aussi les pathologies liées à l’enfermement, une grosse composante psychiatrique et psychopathique et une dimension médico-légale intéressante », explique-t-il. En prison, encore plus qu’ailleurs, le challenge est aussi de pouvoir bâtir la relation de confiance avec le patient. « En détention, les personnes sont déshumanisées, mais en unité sanitaire ce sont des patients comme les autres. Même si physiquement nous sommes au milieu de la prison, nous sommes complètement indépendants de l’administration pénitentiaire et c’est parfois difficile de le comprendre pour les patients, de croire qu’il n’y a pas de communication des informations médicales ». Le stage a aussi permis à Stéphane de travailler sur le positionnement du généraliste. « Il y a un travail éthique et relationnel. Parfois on sait pourquoi ils sont en prison, parfois non, mais quoiqu’il arrive nous devons prendre en charge la personne et avoir une empathie sur sa maladie en faisant abstraction du reste ». Son stage lui a aussi permis de se forger une opinion bien arrêtée sur le monde carcéral en général. « Ça m’a mis une claque. Je ne comprends pas ce que certaines personnes font en prison. Aujourd'hui en France le système carcéral les détruit plus qu'autre chose », confie-t-il. Un avis qui ne l’empêche pas de vouloir démarrer son exercice dans cet univers, même si sur le long terme il n’abandonne pas l’envie de s’installer, probablement en milieu rural. Un pied de nez de plus, aux discours « démagogiques » qui l’agacent contre les jeunes médecins qui refuseraient de s’engager pour leur profession. Lui en tout cas n'a pour l'instant jamais refusé de s'engager, bien au contraire.


Source : lequotidiendumedecin.fr