L’histoire de la démographie médicale n’est pas un long fleuve tranquille, loin de là. Elle se caractérise plutôt par son côté yo-yo. Et, passé de la pléthore à la pénurie de médecins, l’Hexagone pourrait bien se retrouver de nouveau dans une situation… d’excédent !
Pendant les Trente glorieuses et le développement de l’Assurance Maladie, il y a une forte augmentation du nombre de médecins et les facs font le plein. On dénombre entre « 8000 et 9000 étudiants en 1re année au début des années 1970, avec une ouverture massive des études en 1968 », rappelle Yann Bourgueil, directeur de recherche à l’Irdes. C’est également à cette période que les statisticiens du ministère de la Santé ont commencé à faire des projections. Et ont alors constaté qu’on « on allait avoir trop de médecins », précise ce médecin de santé publique. Par ailleurs, la perspective d’une récession économique, liée aux chocs pétroliers, se profile, accréditant l’idée d’une nécessaire maîtrise des dépenses. C’est ainsi qu’en 1971 le numerus clausus est inventé, « fixé à 8 588 étudiants par an pour 80 000 médecins en activité », détaille une note d’Agnès Verdier-Molinié (Fondation Ifrap). « Ce quota a commencé à diminuer en 1977 pour atteindre 3 500 en 1992 et y rester », poursuit-elle.
On l’a un peu oublié, la mise en place du numerus clausus est entourée d’un très fort consensus, rappelle Yann Bourgueil : « Les syndicats y trouvaient aussi leur intérêt puisque baisser le nombre de médecins, dans un système de paiement à l’acte, c’est aussi intéressant car on sera moins nombreux à partager le gâteau ». Parallèlement, et toujours dans un souci de réduire le nombre de professionnels, les médecins qui s’approchent de l’âge de la retraite sont incités à partir de façon anticipée en échange d’une allocation?: ce sont les années MICA, mécanisme de cession d’activité mis en place en 1988. Et pour élargir encore son effet, en 1996, on abaisse l’âge de départ de 58 à 56 ans. « Trois ans après, machine arrière : les conditions étaient revues à la baisse », souligne Agnès Verdier-Molinié, les pouvoirs publics redoutant alors la pénurie.
Que s’est-il passé ? « À partir de 1996, des nouvelles projections à 10/12 ans permettent une anticipation de la pénurie », abonde Yann Bourgueil. À ses yeux, « la baisse du nombre de médecins a été anticipée en 2000/2003 ». Sans transition, le numerus clausus est alors relevé et « aujourd’hui on a presque doublé le nombre de médecins », note-il. Non sans pointer le « caractère politique de la décision qui, compte tenu de son effet tardif, est difficile à prendre », générant de l’inertie… Indécisions qui pourraient nous mener « dans 10/15 ans, à avoir, à nouveau, un excès de médecins », selon le chercheur. Une perspective qu’il ne manque pas de tempérer car « il ne faut pas seulement compter des nombres, il faut également réfléchir par rapport à l’activité réellement effectuée ». Et c’est sans compter les flux européens qui ne cessent de s’intensifier…
Les dates clés
› 1988. Création du Mica.
› 1993. Le numerus clausus est au plus bas.
› 1999. Le Mica est prolongé de 5 ans.
› 2001. Début de la remontée du numerus clausus.
› 2003. Fermeture anticipée du Mica.
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