De notre correspondante
U NE étude chiffrée de l'union régionale des caisses d'assurance-maladie (URCAM) montre un risque de pénurie de médecins à partir de 2008 et surtout 2013 dans la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) ; et une autre étude qualitative de l'union régionale des médecins libéraux (URML) accroît cette inquiétude.
La région PACA est l'une des régions où la densité des médecins est la plus forte. Le nombre de ses praticiens, libéraux notamment, va commencer à stagner, puis régresser, jusqu'à tomber parmi les derniers départements français en matière de démographie médicale.
Inégalités géographiques
L'étude de l'URCAM montre l'accroissement des inégalités géographiques qui va s'ensuivre : de moins en moins de spécialistes dans les départements alpins, mais aussi moins de généralistes dans le Vaucluse et les Alpes-Maritimes. « Il y avait déjà des problèmes avec une forte densité ; on peut donc présager des problèmes plus importants au fur et à mesure que la densité va baisser », souligne le Dr Charles Chanut, médecin-conseil régional adjoint. Pour Jean Coëtmeur, directeur de la DRASS, « avec une baisse de densité de 26 %, il risque d'y avoir des pénuries localisées et des difficultés d'accès aux soins pour certaines populations ».
Les principales raisons en sont les départs en retraite et un numerus clausus particulièrement draconien, à la faculté de médecine de Marseille.
La crise risque de s'aggraver du fait que les libéraux actuels travaillent beaucoup, alors que toutes les études montrent que les jeunes souhaitent réduire leur temps de travail pour avoir une meilleure qualité de vie, et que la féminisation croissante va accélérer cette tendance : On compte 55 % de femmes parmi les reçus au dernier concours de première année à la faculté de Marseille.
Le vieillissement des actuels médecins hospitaliers (sur les 2 100 hospitaliers de la région, 300 ont plus de 51 ans) va entraîner, dans les prochaines années, un appel d'offres qui risque de diminuer encore le nombre de praticiens libéraux. Les études montrent enfin que ce sont les médecins les plus âgés qui exercent actuellement en zones rurales, les jeunes préférant majoritairement s'installer en ville, pour des raisons familiales ou de loisirs. « Si on prenait tout cela en compte, on s'apercevrait de la situation dramatique dans laquelle on met la médecine en France et plus particulièrement en PACA », estime le Pr Yvon Berland, doyen de la faculté de Marseille.
Autorisation de cabinets secondaires ?
Pour le Pr Henry Zattara, président de l'Ordre des Bouches-du-Rhône, « cette perspective risque de présenter des dangers pour la santé publique », à tel point qu'il se prononce en faveur « d'évolutions qui en tiennent compte » : augmentation du numerus clausus et même autorisation de cabinets secondaires permettant à des médecins installés en ville là où ils le souhaitent de venir faire des vacations dans des zones déshéritées.
Cette dernière solution a été défendue par la plupart des participants lors d'une table ronde qui traitait de ce problème démographique. La question du numerus clausus à l'installation n'a été évoquée que de façon voilée : « On pourrait imaginer un SROS ambulatoire », a avancé Daniel Marchand, président de l'URCAM, qui a aussi évoqué l'hypothèse d'une « obligation de service » à la fin des études dans les zones qui en ont besoin, mais aussi « d'incitations » à l'installation dans certaines zones, ce que demande notamment l'union régionale des médecins libéraux. L'exercice en réseaux de soins a été également abordé par plusieurs représentants d'administration, mais les médecins se sont montrés méfiants : « Il ne faut pas que la pénurie permette de faire glisser vers les paramédicaux, une partie de nos fonctions. »
Des médecins très actifs
« Nous avons voulu donner la parole aux médecins pour étudier la diversité de leur exercice et de leur vie »,explique le Dr Philippe Salletaz, responsable de la commission démographie de l'URML.
Un questionnaire, auquel ont répondu 2 604 généralistes et spécialistes, a permis de constater que 80 % de ces médecins ont passé leur diplôme entre 1978 et 1990, et seulement 10 % après 1990. La moyenne d'âge est de 45 ans et on compte déjà 30 % de moins d'arrivées de jeunes médecins que de départs d'anciens.
Les médecins PACA actuels sont aussi très actifs : 47 heures de travail par semaine en moyenne, au cours desquelles ils pratiquent 81 actes donnant lieu à une feuille de soins. 25 % travaillent même plus de 56 heures.
Les généralistes semblent plus actifs encore que les spécialistes : 88 % travaillent plus de 39 heures par semaine. En revanche, seulement 53 % des femmes (contre 83 % des hommes) travaillent plus de 39 heures. Ils ne prennent en moyenne que 1,7 jour de congé hebdomadaire, et quatre semaines et deux jours de congé annuel. Un tiers prend même moins de trois semaines, et se font remplacer par un associé ou par un confrère de proximité pour la moitié d'entre eux.
50 % des communes de la région (surtout situées sur le littoral) regroupent 94 % du corps médical libéral. Seulement 17 % exercent en zone rurale et ce sont les plus âgés. Autre aspect important à replacer dans le contexte démographique : les migrations Nord-Sud sont moins importantes que ce que l'on croit habituellement : 62 % des médecins actuellement en exercice ont été formés à Marseille et à Nice, et ce sont les plus actifs : les médecins venus d'ailleurs arrivent surtout en fin de carrière, pour mener au soleil une activité ralentie.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature