L’épidémie de coronavirus ne fait que commencer. Et pourtant, des professionnels de santé réclament d’ores et déjà des comptes aux autorités sur leur gestion de la crise. Jeudi, trois médecins représentants d'un collectif de soignants ont ainsi déposé plainte contre Édouard Philippe et Agnès Buzyn.
Ces praticiens accusent le Premier ministre et l’ancienne ministre de la Santé de s'être « abstenus » de prendre à temps des mesures pour endiguer l'épidémie de Covid-19. Selon eux, Agnès Buzyn et Édouard Philippe « avaient conscience du péril et disposaient des moyens d’action, qu’ils ont toutefois choisi de ne pas exercer ». Les plaignants s'appuient notamment sur des déclarations d'Agnès Buzyn au Monde, qui a affirmé, après le premier tour des municipales, avoir alerté dès janvier le Premier ministre sur la gravité de l'épidémie de coronavirus et l'avoir averti que « les élections ne pourraient sans doute pas se tenir ».
La plainte des praticiens a été envoyée à la commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR), seule instance habilitée en France à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions, précise leur avocat, Me Fabrice Di Vizio. Début mars, ce dernier avait déjà, pour le compte de médecins, saisi le Tribunal administratif de Paris pour enjoindre le gouvernement à fournir les cabinets libéraux en masques FFP2.
Des médecins contaminés chaque jour
Depuis le début de l’épidémie, de nombreux médecins, surtout en ville, mais aussi infirmières ou dentistes se plaignent de ne pas recevoir de masques, indispensables pour se protéger. Et ce malgré les promesses du gouvernement. En l'absence de ces protections, de nouveaux médecins sont contaminés chaque jour par le coronavirus.
Mercredi, Sibeth Ndiaye, porte-parole du gouvernement, a reconnu « quelques difficultés logistiques » mais assuré que les masques « arrivaient dans les pharmacies depuis mardi ». Avant de préciser que l'État continuait de libérer des stocks stratégiques pour les départements les plus touchés. La porte-parole du gouvernement a également dénoncé des « vols inadmissibles » de masques dans les hôpitaux.
Sibeth Ndiaye a par ailleurs souligné que la France avait déjà déstocké 25 millions de masques sur ses stocks stratégiques et qu'elle venait encore d'en déstocker pour 27 départements particulièrement touchés par la pénurie. Jeudi, le gouvernement affirmait que 30 millions de masques avaient été livrés en trois jours aux pharmacies ou établissements de soins.
La Chine, à laquelle la France avait envoyé 17 tonnes de matériel médial en février quand l'épidémie y battait son plein, a fait parvenir mercredi à la France un million de masques, a annoncé le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
« Une faute grave »…
Outre la plainte déposée à l'encontre d'Agnès Buzyn et Édouard Philippe, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer, elles aussi, les dysfonctionnements observés. Dans un communiqué paru le 8 mars, l'UFML-S, syndicat présidé par le Dr Jérôme Marty, a indiqué qu'une fois la crise passée, elle réclamerait la « création d'une commission d'enquête sur la gestion politique des moyens de protection ».
« L'administration est capable de nous fournir un document qui décrit en détail les kits de protection où il est question de masques FFP2 et elle n'est pas fichue de laisser un stock à destination des professionnels de santé… C'est une faute grave et je pense qu'il faudra certainement une commission d'enquête pour éclaircir la chose », a quant à lui déclaré sur Europe 1 le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF, testé positif au coronavirus en début de semaine.
Dans un courrier adressé à tous les praticiens inscrits au tableau, le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, affirme que « viendra le temps des rendez-vous politiques », une fois « la victoire obtenue ». « Des explications devront nous être données », prévient le Dr Bouet.
... rejetée par Véran
Enfin, l'opposition s'en prend, elle aussi, au gouvernement. « C'est catastrophique, les masques n'arrivent pas. Donnez-nous les vrais chiffres, reconnaissez que l'État est dépassé », a lancé jeudi soir devant le Sénat le chef du groupe des sénateurs LR Bruno Retailleau.
Face aux critiques, Olivier Véran pointe, lui, la baisse continue des stocks depuis plusieurs années. « La base est que nous étions un pays pas préparé du point de vue des masques à une crise sanitaire en raison d'une décision prise il y a neuf ans », a-t-il assuré jeudi soir au Sénat. « En 2010, il y avait dans notre pays un stock d'État d'un milliard de masques chirurgicaux et 600 millions de masques FFP2 (...) mais quand je suis arrivé au ministère il y avait 150 millions de masques chirurgicaux et aucun masque FFP2 », a-t-il détaillé.
Selon le ministre de la Santé, il a été décidé « en 2011, 2013, que ce milliard de stocks n'était plus indispensable tant les capacités de production mondiales de masques étaient désormais intenses, notamment en Asie ».
(Avec AFP)
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