L ES équipes du Pr Castelnau (Montpellier), Malafosse (Genève) et Leboyer (Créteil) se sont intéressées depuis quelques années aux facteurs de risque génétiques du suicide. Elles ont pour cela entrepris un travail de génétique moléculaire sur des patients hospitalisés au sein d'une structure d'accueil spécifique individualisée à l'hôpital Lapeyronie de Montpellier et dans le service de psychiatrie du CHU de Nîmes. Ils ont choisi d'étudier différents gènes en rapport avec le système sérotoninergique, système que l'on avait cru impliqué dans la dépression, mais qui, au vu des premiers travaux, semble préférentiellement lié au suicide.
En 1995, un travail préliminaire du Dr Abbar [« Arch. Gen. Psychiatry », oct. 1995 ; 52 (10) : 846-849] ne rapportait pas d'association entre un marqueur spécifique et non fonctionnel (polymorphisme de la région Ava II) du gène de la tryptophane hydroxylase - un gène qui code pour l'une des enzymes impliquées dans le métabolisme de la sérotonine - et le comportement suicidaire dans un groupe limité de patients.
Tryptophane hydroxylase
Néanmoins, en raison de la nature même du marqueur non fonctionnel choisi et de la publication de résultats contradictoire par des équipes finlandaises et américaines, les psychiatres ont proposé de poursuivre ce travail et d'étudier sept polymorphismes du gène de la tryptophane hydroxylase (TPH). Ils ont comparé les données recueillies sur 231 patients suicidaires avec celles de 281 témoins appariés. « Nous avons retrouvé une association significative entre quatre variants non fonctionnels tous situés dans la région 3' du gène et le comportement suicidaire. La localisation du variant fonctionnel impliqué pourrait donc se situer dans cette région », explique au « Quotidien » le Dr Philippe Courtet (service de psychologie médicale, Montpellier). Pour les auteurs, « ce travail suggère qu'il existe un variant génétique au niveau de la partie 3' du gène de la TPH qui représenterait un facteur de susceptibilité à une phénotype combinant un comportement suicidaire, des désordres de l'humeur et une agressivité impulsive ».
Comportements violents
Les investigateurs se sont aussi intéressés à une sous-catégorie de 51 patients qui avaient eu recours à des pratiques qualifiées de violentes lors de leur tentative d'autolyse. Ils ont comparé avec des sujets contrôles le polymorphisme fonctionnel (S ou L) d'un promoteur d'une région codant pour un gène transporteur de la sérotonine de ces patients. On sait que la présence d'un allèle S est associée avec une diminution de l'activité du transporteur de la sérotonine qui serait, selon des premières études, impliqué dans la neurobiologie des comportements violents (« le Quotidien » du 27 novembre 2000). Par rapport à des sujets témoins, la fréquence de l'allèle S et du génotype SS était majorée chez les patients les plus violents.
Globalement, on peut donc considérer, au vu de ce travail, qu'il existe des facteurs de risque polygéniques des conduites suicidaires qui s'exprimerait de façon différentes selon les conditions environnementales auxquelles les individus sont exposés.
« Molecular Psychiatry », 2001, vol. 6, n° 3, pp. 268-273 et 338-341.
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