« Le commandant belge Michaux vient de faire paraître un volume intitulé “ Carnets de campagne au Congo , épisodes et impressions de 1889 à 1897 ». Nous y lisons, pages 167 et suivantes, comment un homme d’initiative peut s’improviser chirurgien. Nous transcrivons :
“ Ce fut également vers cette époque que, par la force des choses et les nécessités du moment, je devins chirurgien. Pendant que je guerroyais chez les Baknas Tumbolos, un de mes soldats avait eu un doigt entièrement broyé par une balle. Le laisser dans cet état, c’était la gangrène certaine, donc la mort ; or, pour lui couper le doigt, je ne savais comment m’y prendre. Voici ce que je résolus. Je fis apporter dans une case trois Baknas Tumbolos tués et, aidé de Saudart, je leur enlevai à chacun un doigt correspondant à celui qui était broyé chez mon Haoussa. Puis, quand je fus certain que l’opération marcherait assez rondement, je fis venir un homme et l’opérai à son tour. J’eus la chance de réussir et, quinze jours après, il était complètement guéri.
Cela m’encouragea et m’enhardit évidemment beaucoup ; dans la suite, je continuais à procéder de la même façon : quand j’avais une opération à faire, n’étant pas très ferré sur l’anatomie, je commençais toujours par exécuter ce que l’on pourrait appeler une répétition générale sur un cadavre. Les sujets ne me manquaient d’ailleurs jamais puisque je n’avais guère l’occasion d’exercer mes talents chirurgicaux qu’après une bataille.
« N’étant pas patenté, je devais évidemment mettre des formes pour expédier mes clients d’occasion dans l’autre monde. »
Mais, me direz-vous, à ce jeu-là, vous deviez en tuer beaucoup ? Ma foi, non, pas trop. Je réussissais assez bien et beaucoup de mes anciens camarades d’Afrique diront encore que j’avais gagné un véritable tour de main et qu’ils avaient grande confiance en moi. Et puis, n’étant pas patenté, je devais évidemment mettre des formes pour expédier mes clients d’occasion dans l’autre monde.
Il en est aussi qui se demanderont comment je faisais pour avoir toujours du chloroforme pour endormir ceux que le malheureux sort m’envoyait. Mais, c’est très simple : je ne les endormais pas !
Alors, me direz-vous, vous les opériez tout éveillés ?... Parfaitement. Valait-il mieux les laisser mourir ? Ils criaient parfois bien un peu, mais, à la fin, je ne les entendais plus. J’avais même un avantage sur mes confrères, les docteurs : tant qu’ils criaient, j’étais au moins certain qu’ils n’étaient pas morts. ”
Faisons cette remarque que la méthode du commandant est la bonne. Actuellement qu’il est tant parlé de la réorganisation des études médicales, faisons le vœu de donner une plus large extension aux études de médecine opératoire afin de permettre aux jeunes étudiants de faire des “ répétitions générales ” et répétées sur les cadavres. Il serait peut-être également utile de donner aux officiers qui partent pour les colonies ou dans des contrées lointaines, parfois livrés à eux-mêmes sans médecins, des notions pratiques de chirurgie d’urgence ; ce ne serait pas du superflu. »
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