De notre correspondante
C HIRURGIE mini-invasive, la gastroplastie avec pose d'un anneau a beaucoup de succès auprès des patients, avec un taux de satisfaction de près de 90 %. Elle leur permet en effet de perdre en moyenne 70 % de leur surpoids en deux ans, avec une relative facilité. Les chirurgiens qui pratiquent cette intervention sont assaillis de demandes directes de la part des patients, car le bouche-à-oreille fonctionne bien. Mais tous les obèses morbides (indice de masse corporelle [IMC], supérieur à 40) ne peuvent pas bénéficier de cette intervention qui, chez certains (la plupart du temps, pour des raisons psychiatriques ou psychologiques), se soldera par un échec. En outre, ceux qui ont été opérés ne perdent pas impunément 40 à 50 kilos, et ont besoin d'un suivi à la fois diététique et psychologique, qui est une garantie du succès à long terme.
A Bordeaux, le Dr Jean-Louis Dulucq, chirurgien pionnier de la chirurgie laparoscopique, s'est associé avec un hôpital de jour pour obèses, et avec plusieurs psychiatres, pour créer un réseau de prise en charge multidisciplinaire de ces grands obèses. Chaque candidat à l'intervention est soumis à une consultation préalable chez le chirurgien, le nutritionniste et le psychiatre. La décision d'opérer est collégiale. Outre les contre-indications médico-chirurgicales, ces consultations sont importantes pour évaluer les capacités d'adaptation aux modifications imposées par l'intervention.
Cette approche permet de sélectionner les candidats (seuls 60 % sont acceptés) et d'écarter les pathologies psychiatriques, les conduites addictives et l'alcoolisme, les psychotiques, les boulimiques et les troubles mentaux non stabilisés, mais aussi la mauvaise observance et le refus du suivi. Car après l'intervention, le patient s'engage à un suivi mensuel sur les plans nutritionnel et psychologique.
Une décision collégiale
Les consultations multidisciplinaires avant l'intervention permettent d'évaluer la motivation initiale et ainsi les chances de réussite au long cours. Elles sont indispensables pour s'assurer de la bonne connaissance de l'information, des contraintes qu'elle entraîne et du suivi à long terme.
« Il semble exister une ligne de partage entre les bonnes indications et les plus mauvaises », souligne le Pr Jean-Louis Terra (Lyon), qui a réalisé une enquête médico-psychologique sur une centaine de patients ayant subi une gastroplastie avec pose d'un anneau. Pour lui, il y a un point de non-retour lorsque l'obésité a conduit à une invalidité autour de laquelle est organisée l'existence de la personne et, là, il faut savoir refuser l'intervention.
La consultation préalable explore la capacité d'avoir des objectifs et de concevoir un projet et de le conduire. Pour le psychiatre, la question clé est : « Qu'allez-vous faire de ces kilos perdus ? »
Il est important aussi de savoir si le(la) patient(e) est apte à contrôler son alimentation sur un mode différent (la contenance de l'estomac est réduite à 25 cc), c'est-à-dire à manger beaucoup moins et plus lentement. Il faut d'ailleurs faire assimiler auparavant la nouvelle taille de l'estomac. Après l'intervention, le suivi mensuel au cours de la première année va accompagner le changement de l'image corporelle et ses conséquences sur le plan relationnel, éviter la démission au cours des phases de stagnation, en bref, aider le patient à prendre son autonomie, à distancier l'univers alimentaire et préparer la « sortie de la dépendance chirurgicale ». En effet, l'objectif est, dans un premier temps, de desserrer l'anneau, voire de l'enlever au bout de quelques années, ce qui génère, de toute façon, une anxiété très importante.
Evoquant une cinquantaine de patients suivis pendant trois ans, le Dr Jean-Philippe Ferrière, psychiatre intégré dans ce réseau, a montré qu'un tiers des patients a été perdu de vue, un tiers a eu un suivi épisodique et un tiers, une surveillance régulière (mensuelle et, parfois, hebdomadaire), certains ayant poursuivi une psychothérapie au-delà de la première année.
D'après les interventions de J.-L. Dulucq (chirurgien), J.-Ph. Ferriere (psychiatre), L. Liorzou-Auriault (endocrinologue), au cours de la journée sur les troubles du comportement alimentaire organisée par l'Association psychiatrique d'Aquitaine.
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