I L est toujours hasardeux de juger un homme secret et qui ne se livre pas. Pourtant, on a bien l'impression qu'il y a du Kenneth Starr chez le juge d'instruction Eric Halphen, qui n'a pas hésité à convoquer le président de la République dans le cadre de l'affaire de la cassette de Jean-Claude Méry.
Certes, il ne le convoque que comme témoin. Mais le Conseil constitutionnel a déjà dit que seule la Haute Cour de justice pouvait considérer le cas d'un président en exercice. M. Halphen, qui aurait consulté beaucoup de juristes avant de prendre une décision, dont il n'ignore sûrement pas les retombées politiques, estime que le Conseil constitutionnel n'interdit pas qu'un président soit entendu comme témoin par une juridiction classique.
Un juge impatient
Dès lors que les exégèses ne sont pas épuisées, le juge Halphen pouvait soit réclamer une réunion de la Haute Cour (mais en sachant qu'il n'y a pas de majorité à l'Assemblée pour la réunir), soit attendre M. Chirac au coin du bois, c'est-à-dire le moment où il ne serait plus président.
On est tout prêt à admettre que la justice, si lente dans certains dossiers (par exemple celui de Maurice Papon), soit subitement saisie d'impatience. Ce serait même une conduite à porter à son crédit. Mais enfin, on ne peut s'empêcher de nourrir le sentiment que M. Halphen veut « se payer » le président, comme M. Starr voulait s'offrir le président Clinton.
C'est toujours agréable, pour le pêcheur, de ferrer le plus gros poisson. Mais cela peut être compris aussi comme du harcèlement judiciaire, même si, au bout du compte, la citation du président comme témoin est considérée comme juridiquement correcte par les meilleurs et les plus impartiaux de nos juristes. Il y a eu d'autres tentatives pour traîner le président devant la justice, elles n'ont pas abouti.
Dès lors qu'il existe deux interprétations de la jurisprudence constitutionnelle, on imagine que M. Halphen ne s'est pas engagé dans une telle épreuve avec le premier des Français sans avoir envisagé son refus d'obtempérer et les conséquences de ce refus. Il les a envisagés et les assume, ce qui veut dire qu'il n'en restera pas là probablement. Et que sa prochaine démarche consistera à envoyer la maréchaussée à l'Elysée.
Et pourquoi pas les menottes ? S'il a été démontré que, dans leur majorité, les Français réclament du président des explications plus complètes sur sa gestion de la Mairie de Paris, il serait bien étonnant qu'ils applaudissent aux prochains épisodes de l'aventure ubuesque à laquelle le juge les convie.
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