JAZZ/ROCK
Par Didier PENNEQUIN
I L est particulièrement amusant de constater que les révolutionnaires des années 1960 sont devenus les nouvelles idoles du jazz. Roswell Rudd (65 ans, trombone) et Archie Shepp (63 ans, saxes et piano) sont aujourd'hui d'honorables et très respectables jazzmen, alors qu'hier, ils dérangeaient. Au mieux. Après avoir brillamment lancé la 18ème édition de Banlieues Bleues, ces deux héros du free jazz viennent de sortir un CD, « Live In New York » (Emarcy/Universal), enregistré en direct dans la Grosse Pomme, en septembre 2000, en compagnie notamment d'autres pointures du jazz libre - Grachan Moncur III (trombone), Reggie Workman (basse), Andrew Cyrille (batterie) - et du poète Amiri Baraka. Et surprise ! Ceux que l'on imaginait d'indécrottables révolutionnaires sont devenus de gentils papys, faisant certes de la résistance musicale de temps en temps, mais toujours très respectueux des thèmes et des structures. Si les formes libres et la richesse d'improvisation sont toujours très présentes, les délires de jeunesse ont laissé place à une certaine sagesse. Comme le temps passe...
Trompettiste membre de la scène Free à la même époque que le tandem Shepp/Rudd, Olu Dara, 60 ans, venu du rhythm'n'blues, y est très vite retourné. Après un premier album très funky voici quatre ans, celui qui est également chanteur et père du rappeur Nas, retrouve dans « Neighborhoods » (Atlantic/WEA), la mémoire musicale de sa jeunesse et de ses débuts. Un authentique régal pour une musique fraîche et juvénile, parfaitement servie par une voix très suave.
Un père, un fils, des standards. Le père : Tony Petrucciani (guitare) ; le fils : Michel (piano) ; le disque : « Conversation » (Dreyfus Jazz), enregistré en direct lors d'une tournée réunissant deux membres de cette famille de jazzmen, sur des classiques comme « Summertime », « Nuages » ou encore « Satin Doll ». Bref, rien que du bonheur et de la nostalgie !
Le clarinettiste Louis Sclavis est un musicien super doué, doublé d'un compositeur très inventif et surtout d'un très grand chercheur. Son dernier CD, « L'affrontement des prétendants » (ECM/Universal), qui ne comprend que des compositions originales du leader, est un modèle du genre. Les amateurs seront comblés par la complexité des thèmes et des harmonies particulièrement fertiles pour un travail d'improvisation passionnant et assez unique.
Chet Baker nous a quitté voici près de 13 ans en mai 1988. Aujourd'hui deux grands trompettistes italiens - Enrico Rava et Paolo Fresu - rendent un magnifique hommage, dans « Shades of Chet » (Label Bleu), à ce personnage unique du monde de la trompette en se (re)plongeant dans le répertoire qu'affectionnait l'éternel Chet. Pureté des sons, beauté des thèmes, lyrisme, virtuosité : autant d'atouts pour un album à la fois généreux et émouvant gravé par des disciples respectueux.
Les bijoux d'OWL
C REE voici près d'un quart de siècle par le producteur français Jean-Jacques Pussiau, le label OWL Records (« Les disques du Hibou » en français) a été le lieu de rencontres particulièrement originales dans des studios parisiens, entre jazzmen confirmés et jeunes pousses, qui sont depuis devenues des personnalités et des références. Pour la première fois, certains disques considérés comme des uvres importantes dans la carrière de grands du jazz américain comme français ou européen, viennent d'être réédités (distr. Universal).
Onze trésors parmi lesquels de très beaux duos comme ceux réunissant le légendaire altiste Lee Konitz et Michel Petrucciani (piano) dans « Toot Sweet », la chanteuse récemment décédée Jeanne Lee et Mal Waldron (piano) dans « After Hours », l'immense arrangeur de Miles Davis, Gil Evans (piano) et Steve Lacy (saxe soprano) pour « Paris Blues », Stéphane Grappelli (violon) et Martial Solal (piano) sur « Happy Reunion » ou encore la chanteuse Helen Merrill, relancée en 1985 aux côtés de Gordon Beck (piano) dans « No Tears, No Goodbye ».
Dans le domaine des découvertes, on retrouve le disque qui consacra le trompettiste italien Paolo Fresu sur la scène internationale, « On The City », le premier enregistrement d'un autre jazzmen italien, Aldo Romano (batterie) pour le label, « Il Piacere », un très bel « Homage to Carla » (Bley) par son ex-mari Paul Bley (piano) et un disque rare du pianiste français Michel Graillier, « Dream Drops », avec comme invités Chet Baker (trompette) et Michel Petrucciani plus une rythmique de rêve : Jean-François Jenny Clark (basse) et Aldo Romano (batterie).
ARTE : jazz en studio
La chaîne culturelle franco-allemande ARTE a une forte prédilection pour les musiques, et notamment le jazz. Avec la diffusion d'un documentaire intitulé « Quatre jours à Ocoee » (31 mars, 0 h 10), ARTE va nous entraîner au cur de l'enregistrement d'un disque en compagnie de deux jazzmen importants : le saxophoniste-ténor Sam Rivers et le pianiste - également producteur - Tony Hymas.
Le film de Pascale Ferran (115 mn) suit pas à pas l'élaboration et la naissance de la musique en studio, jusqu'à l'enregistrement final. Pendant quatre jours, du 17 au 20 décembre 1998, les deux musiciens, assistés d'un producteur - Jean Rochard des disques Nato - d'un ingénieur du son et de son assistant vont s'installer dans les Studios d'Ocoee en Floride pour graver « Winter Garden ». Quatre jours, quatre séances de huit heures chacune, sont ici décortiqués, analysés, exploités pour montrer que du quasi-néant du premier jour - juste quelques partitions - on peut arriver à un magnifique produit fini au soir du quatrième. Outre le disque, il y a la rencontre entre deux hommes - musiciens, compositeurs et interprètes - au parcours différent - à 71 ans, Sam Rivers est une des figures historique du jazz Free, et Tony Hymas est principalement connu pour ses expériences tout terrain - mais tellement complémentaires.
BLOC-NOTES
Jacky Terrasson
Son dernier album, « A Paris » (Blue Note/EMI) est un véritable enchantement. Dans ce disque, quasi entièrement composé de standards de la chanson française populaire, le pianiste Jacky Terrasson revisite les thèmes immortels avec une variété de styles et de genres absolument déconcertante, passant du blues le plus profond aux envolées lyriques façon Keith Jarrett. C'est dire si sa prestation scénique est particulièrement attendue et si son hommage à Paris, dans La Mecque des clubs de jazz, le New Morning, va faire vibrer de bonheur.
New Morning, (01.45.23.51.41), 28 mars, 21 h.
Eddy Louiss
L'organiste Eddy Louiss adore rôder dans certains endroits de la capitale des nouvelles productions phonographiques. Après la sortie de « Récit proche » (Dreyfus Jazz), le colosse de l'orgue Hammond B3 sera entouré d'un solide quartette pour faire revivre en direct une musique de jazz aux accents hyper-funky, swing, biguine et bluesy.
Le Petit Journal Montparnasse, (01.43.21.56.70), 27 et 28 mars, 22 h.
Jimmy Scott
Jimmy Scott, 75 ans, l'homme à la voix d'ange découvert par Lionel Hampton voici un demi-siècle et redécouvert par le grand public il y a une bonne dizaine d'années, fait un éternel retour remarqué dans le monde du jazz vocal. Pour la première fois de sa carrière, il aura droit aux honneurs d'un grand music-hall parisien. Une belle reconnaissance pour ce petit personnage mythique du jazz chanté dont le dernier opus, « Over The Rainbow » (Milestone/WEA), qui comprend de nombreux standards, est attendu le 10 avril prochain.
Paris, Olympia, 29 mars, 20 h 30.
Didier Lockwood
Lors de la même soirée, le violoniste Didier Lockwood présentera deux aspects de ses multiples activités musicales : d'abord le concerto pour violon électro-acoustique, « Les Mouettes », suivi d'un concerto pour piano avec l'Orchestre Colonne en accompagnement, et ensuite un hommage à la musique de Stéphane Grappelli à la tête de son trio (Romane, guitare ; Marc Michel Lebévillon, basse).
Paris, théâtre des Champs-Elysées, (01.49.52.50.50), 31 mars, 20 h 30.
Gérard Badini
Soixante-dix ans dont 50 de carrière dans le jazz en France. Pour célébrer ces deux dates, Gérard Badini, ex-saxophoniste ténor, a choisi de diriger sa « Super Swing Machine » au piano, pour interpréter trois suites importantes : « French Cooking » qui sera présentée pour la première fois en big band ; « Mister Swing is Still Alive », pour montrer qu'il faut toujours compter avec le leader, et un hommage original à Duke Ellington pour le 100ème anniversaire de sa naissance en 1999, « To Duke With Love ».
Paris,Maison de Radio France, 31 mars, 17 h 30.
Stefano Di Battista
Le saxophoniste italien Stefano Di Battista revient à la tête de son quartette pour présenter en direct la musique de son dernier CD éponyme (Blue Note/EMI) qui a battu quelques records de ventes avec plus de 22 000 albums vendus. C'est dire l'importance et la reconnaissance méritées de ce jazzman transalpin.
New Morning (01.45.23.51.41), 30 et 31 mars, 21 h.
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