Bilan 2019 : les défis de l'environnement

Cancers et environnement, ne pas se tromper de combat

Publié le 30/12/2019
Si de nombreux facteurs environnementaux sont classés cancérogènes, la part des cancers qui leur sont attribuables reste moindre par rapport au poids du mode de vie.
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Crédit photo : BURGER/PHANIE

[Pour son dernier numéro de l’année, Le Généraliste s’est intéressé aux défis de l’environnement auxquels sont confrontés les médecins. Du 23 au 31 décembre, nous publions les articles de ce numéro bilan.]

Le lien entre l’apparition de plusieurs cancers et certains facteurs environnementaux est clairement établi : selon une étude du BEH parue en 2018, plus de 4 nouveaux cas de cancers sur 10 chez les adultes seraient attribuables à des facteurs de risque liés au mode de vie ou à l’environnement. à la nuance près qu’il faut bien distinguer le mode de vie de l’environnement au sens strict !

L’incertitude sur le risque environnemental donne de fausses perceptions du danger. Les craintes sont exacerbées alors que l’on chiffre la fraction attribuable à la pollution atmosphérique à “seulement 0,4 % des cancers tous types confondus, soit plus de 20 fois moins que pour le tabac (19,8 %) !

L’étude du BEH confirme d’ailleurs que les deux causes principales de cancer sont le tabagisme (20 %) et l’alcool (8 %), aussi bien chez les hommes que chez les femmes. La troisième cause est l’alimentation, déséquilibrée chez les hommes (5,7 %), et le surpoids et l’obésité en population féminine (6,8 %).

Effet cocktail

Pour autant, différents facteurs sont réellement classés cancérogènes certains, comme la pollution de l’air et ses particules fines, sans oublier l’effet cocktail. « La pollution de l’air représente moins de 1 % des cancers, 4 % des cancers du poumon », explique le Pr Béatrice Fervers (Lyon). Mais si l’exposition à la pollution de l’air est faible, elle a pour caractéristique de concerner un nombre important de personnes et de se poursuivre sur une très longue durée.

L’air intérieur est également source de pollution, avec par exemple le formaldéhyde dont l’émission par certains mobiliers, même soumise à des normes encadrées, peut finir par s’accumuler dans le milieu domestique. Il faut également être prudent avec les produits de combustion tels que le chauffage au bois sans bonne ventilation ou l’encens, dont on ne connaît pas bien l’effet vu la diversité des produits utilisés.

Une exposition mal connue en population est celle au radon responsable de 1,2 % des cancers, essentiellement de localisation pulmonaire. Présent en Auvergne, Bretagne et Corse, le radon est lié à la radioactivité naturelle des sols graniteux qui peut s’enrichir dans les habitations. Un système d’isolation spécifique et la ventilation intérieure sont des moyens de protection pour ces populations exposées au radon.

Hiérarchiser les risques

De même que les risques sont parfois mal évalués, la perception des populations concernées peut aussi être faussée. Par exemple, les pesticides ou insecticides utilisés en agriculture sont aussi présents au domicile, où les particuliers les appliquent souvent sans la protection qui est recommandée aux professionnels. « Nous avons fait une étude sur l’utilisation des pesticides dans une région viticole : 70 % des utilisateurs étaient des professionnels bien protégés et 35 % des particuliers très peu encadrés qui indiquaient utiliser régulièrement du glyphosate », indique la spécialiste. Il y a donc des expositions environnementales dont on n’est pas conscient mais qui viennent se surajouter à l’exposition globale.

Dans ce contexte, les médecins généralistes ont un rôle déterminant pour bien hiérarchiser les risques sur la base de données scientifiques fiables et encourager la prévention sur les facteurs de risque modifiables. « Il faut donner aux patients les clés pour faire les bons choix », souligne le Pr Fervers. à ce titre, le portail Cancer Environnement de l’Inca propose des informations de référence sur les risques de cancer en lien avec les expositions environnementales, professionnelles et les comportements individuels.

Dr Muriel Gevrey

Source : lequotidiendumedecin.fr