C 'EST « un vide crucial d'information » que comble le premier rapport américain sur l'exposition humaine aux polluants environnementaux. Jusqu'à présent, il a fallu se contenter des mesures effectuées dans l'air, l'eau et les échantillons de terre, ainsi que dans la faune et la flore.
Pour la première fois, les polluants ont donc fait l'objet de détection dans l'organisme, grâce à des analyses de sang et d'urines effectuées en 1999 sur une population représentative de 5 000 individus.
Vingt-sept substances ont été recherchées : des métaux (cadmium, césium, cobalt, plomb, mercure, tungstène, uranium, etc.), des pesticides organophosphatés (diazinon, dyméthylphosphate, fenthion, parathion), des phtalates métabolites (composants chimiques utilisés dans la fabrication des PVC, peintures, colles, adhésifs, lubrifiants, shampooing, laques, etc.), ainsi que la cotinine, dérivé métabolique de la nicotine.
Moins de plomb et de cotinine
Rançon du caractère inédit et même, lancent les auteurs, « révolutionnaire » de ces investigations : il n'est pas possible de faire état de comparaisons dans le temps. Deux exceptions, toutefois : le plomb et la cotinine, pour lesquels quelques données avaient été précédemment recueillies.
« L'une des conclusions les plus importantes est que les niveaux dans le sérum sanguin de cotinine des non-fumeurs a baissé de plus de 75 % aux Etats-Unis depuis 1991 », a déclaré Jim Pirkle, du laboratoire environnemental des CDC, en déplorant cependant, au passage, que plus de la moitié des jeunes reste exposée à la fumée du tabac et à ses effets carcinogènes.
De même, les chercheurs ont déterminé que les concentrations de plomb avaient baissé dans la population, en particulier chez les enfants de moins de 5 ans, passant de 2,7 microgrammes/décilitre à 2 microgrammes/dl.
« La bonne nouvelle est que les taux de plomb dans le sang continuent de diminuer chez les enfants », souligne Eric Sampson, l'un des chercheurs, qui déplore quand même que les risques persistent dans certains types d'environnement défavorisé (peinture murale au plomb, poussières, etc.).
Le rapport, en revanche, révèle chez les femmes en âge de procréer des niveaux d'exposition aux phtalates « considérablement plus élevés » que ceux estimés par le Programme national de toxicologie en 2000.
De surcroît, les experts ont relevé des taux de pesticides très élevés dans certains segments de la population.
« L'élément le plus remarquable du rapport, selon Michael McCally, le codirecteur du centre de santé des enfants à l'Ecole de médecine du Mont-Sinaï, c'est que l'exposition chimique atteint en général des niveaux supérieurs à tous ceux précédemment estimés par les experts. »
La présence de polluants chimiques dans le sang et les urines ne permet certes pas de conclure, soulignent les auteurs, qu'elle va nécessairement entraîner des pathologies. Il convient, pour trancher, d'engager des recherches complémentaires pour déterminer à partir de quels niveaux précis des répercussions peuvent être observées sur la santé humaine et, d'ores et déjà, 150 études médicales toxicologiques ont été lancées.
« Et comme, par ailleurs, il existe actuellement pas moins de 80 000 polluants chimiques en vente dans le commerce, nous avons beaucoup de travail de surveillance à effectuer », a souligné Richard Levinson, de l'Association américaine de santé publique, en demandant que des programmes soient lancés dans chaque Etat.
Quelques études menées en France
Les Américains n'ont pas l'apanage des études sur l'exposition humaine à des polluants chimiques. Un certain nombre d'études ont été diligentées en France, sous l'égide de l'Institut de veille sanitaire (InVS) et de l'INSERM, ou de directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS). Seulement deux d'entre elles (plomb et dioxines) portent sur l'ensemble de la population française.
Parmi ces études :
- imprégnation de la population guyanaise par le mercure (Sylvaine Cordier, INSERM 170, 1994) ;
- enquête nationale sur l'exposition au plomb de la population française (Nadine Ferry et Guy Huet, INSERM U169, 1995-1997) ;
- impact sanitaire de la contamination de l'eau de distribution par l'arsenic dans le Haut-Rhin (Brigitte Helynck, DDASS du Haut-Rhin, 1997) ;
- étude transversale sur des enfants des Ardennes exposés au plomb, au cadmium et à l'arsenic (DDASS des Ardennes, 1998) ;
- risques neurotoxiques chez l'enfant liés à l'exposition au méthylmercure en Guyane française (Sylvaine Cordier, InVS, 1999) ;
- étude sur les dioxines et les furanes dans le lait maternel en France (InVS, 2000).
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