Méconnaissance des prescripteurs et des patients, cadre réglementaire initialement strict : au départ, en 2016, il n’était pas évident de lancer et de commercialiser le biosimilaire d’une insuline de référence dans le traitement du diabète.
Deux ans et demi plus tard, après un démarrage difficile, Abasaglar représente 15,5 % des prescriptions d’insuline glargine, avec une dynamique plus forte à l’hôpital (46 %) qu'en ville (14,1 %), ont expliqué des responsables du laboratoire Lilly, lors d'une rencontre bilan organisée dans l’usine de Fegersheim, près de Strasbourg.
Cet exemple illustre le décollage du marché des biosimilaires. Comme pour les génériques, la CNAM et les autorités sanitaires incitent à la prescription de ces produits qui couvrent des domaines thérapeutiques majeurs – oncologie, diabétologie, gastro-entérologie, hématologie et rhumatologie. Les 14 molécules biologiques actuellement sur le marché comptent déjà 48 « concurrents » biosimilaires dont 23 déjà commercialisés en France, nombre qui devrait progresser rapidement. L'objectif est d'atteindre 80 % de pénétration des biosimilaires sur leur marché de référence d'ici à 2022.
En ville par exemple, la CNAM a récemment intégré les médicaments biosimilaires de l'insuline glargine à la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP). À l'hôpital, il existe des incitations financières (fixation d'objectifs de taux de prescriptions de biosimilaires dans les contrats d'amélioration de la qualité et de l'efficience des soins –CAQES – ou intéressement valorisant le taux de recours aux biosimilaires pour les prescriptions hospitalières exécutées en ville).
Expliquer
Moins onéreux que les médicaments biologiques de référence, les biosimilaires constituent un puissant levier de maîtrise des coûts. Ils permettent concrètement d'ouvrir le marché des produits biologiques par la mise en concurrence et la baisse des prix (50 % voire 60 % dans les établissements). En septembre 2017, la Cour des comptes a estimé le gisement d’économies à 680 millions d’euros. Toutefois, selon l'économiste de la santé Gérard de Pouvourville (Essec), les incitations ont fait « bondir les prescriptions de biosimilaires » essentiellement à l’hôpital, leur part restant à ses yeux « beaucoup trop modeste » en ville.
À elles seules, les incitations économiques ne suffiront pas à assurer le succès des biosimilaires, explique le Pr Jean Doucet, diabétologue au CHU de Rouen. Il insiste sur l'indispensable « sensibilisation et formation » des prescripteurs et des dispensateurs et sur le dialogue précis et pédagogique avec le patient. Car le succès des biosimilaires réside d'abord dans la confiance de tous les acteurs – praticiens, pharmaciens et malades. Le Pr Doucet plaide pour des prescriptions de biosimilaires en première intention, car « le changement en cours de traitement réclame plus de pédagogie », surtout si le patient est habitué à son insuline. En cas d’interchangeabilité par le médecin en cours de traitement (possible à n'importe quel stade), il importe d’informer systématiquement le malade et surtout de le convaincre de l’intérêt de ce changement.
Dominique Lévêque, pharmacien hospitalier au CHU de Strasbourg, plaide lui aussi pour une meilleure information des médecins, certains restant réticents « en raison des habitudes ou par manque de connaissance des modalités de prescription ». Il fait valoir que le biosimilaire présente la même efficacité, la même qualité et la même sécurité que le médicament biologique de référence, et qu’« aucun signalement particulier de pharmacovigilance n’a été enregistré depuis leur développement ».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature