Cette veille de Toussaint 1944, Marcel Petiot, le « bon docteur » surnommé également le « vampire de l’Étoile », le « boucher de Paris », le « cuisinier du diable » ou encore l’« ange de la mort » est arrêté en sortant du métro. La police parisienne est à ses trousses depuis plus de six mois après qu’un empilement de corps dépecés prêts à être incinérés ait été découvert dans la cave de son hôtel particulier sis non loin de la place de l’Étoile, au 21 de la rue Le Sueur.
Cette perquisition a été motivée par les plaintes des voisins incommodés par les odeurs pestilentielles qui s’échappaient d’une cheminée de la propriété du Dr Petiot. Les pompiers après avoir attendu en vain l’arrivée du Dr Petiot, se décidèrent à briser une fenêtre. Attirés par le ronflement d’une chaudière, ils descendirent à la cave et découvrirent l’innommable… Petiot arrivé sur ces entrefaites, après s’être fait passer dans un premier temps pour son frère, se justifia auprès des policiers arrivés sur les lieux en expliquant qu’il s’agissait là de cadavres de nazis qu’il s’apprêtait à faire disparaître… Des propos jugés alors suffisamment convaincants par les enquêteurs pour laisser libre Petiot qui en profita pour s’éclipser. Les investigations se poursuivirent néanmoins au domicile de Petiot où 72 valises et 655 kg d’objets divers sont retrouvés 1 760 pièces d'habillement : 90 robes, 26 sacs à main, 28 complets d'hommes, 57 paires de chaussettes, 33 cravates, 43 paires de chaussures, 120 jupes, 21 manteaux de laine et, aussi, le pyjama d’un petit garçon, René Kneller, signalé disparu comme ses parents. Suite à cette découverte, un mandat d’arrestation fut lancé contre le sinistre docteur…
Enfant, il massacrait les chats…
Les penchants criminels de Petiot se sont manifestés dès sa plus tendre enfance. Fils choyé d’un estimable receveur des postes d’Auxerre, il donne vite du fil à retordre à ses parents, massacrant notamment tous les chats du quartier en les plongeant dans l’eau bouillante ou en leur tirant dessus avec un revolver…
Renvoyé de plusieurs écoles, Petiot est aussi interpellé alors qu’il a dix-sept ans pour avoir fracturé des boîtes aux lettres, non pour subtiliser des chèques ou des mandats mais simplement pour lire le courrier des autres. Il n’est pas condamné, un psychiatre jugeant que cet inadapté social ne peut être traduit devant un tribunal pour des troubles qu’on qualifierait aujourd’hui de bipolaires.
Réformé pour troubles mentaux
Malgré tout, sa brillante intelligence aidant, Petiot réussit à commencer des études de médecine bientôt interrompues par la Première Guerre mondiale. Devançant l’appel, il s’enrôle le 11 janvier 1916. Blessé au pied l’année suivante, il est soigné dans un hôpital d’Orléans. Il n’y reste pas longtemps accusé d’avoir vole des couvertures, ce qui lui vaut d’être incarcéré quelques jours avant d’être transféré à l’hôpital psychiatrique de Fleury-les-Aubrais où les médecins le jugent neurasthénique, déséquilibré mental, dépressif paranoïaque et sujet à des phobies Il est néanmoins renvoyé au front où après avoir subi une nouvelle blessure, il est définitivement réformé en raison de troubles mentaux – psychose mélancolique et obsession de la persécution – imputés aux horreurs du conflit.
Docteur Jekyll and Mister Hyde
La guerre terminée, Petiot peut achever brillamment ses études de médecine (mention très bien) et s’installe dans sa Bourgogne natale, à Villeneuve-sur-Yonne. Sa réputation de bon docteur, que les pauvres peuvent consulter sans bourse délier, ne cesse alors de grandir Mais ce Docteur Jekyll se double d’un Mister Hyde qui se dédommageait auprès de sa riche clientèle qu’il délestait allègrement de ses bijoux et valeurs lors des visites domiciliaires.
Un maire indélicat
En 1927, au comble de la notoriété, Petiot parvient à être élu, de manière plus ou moins douteuse, maire de Villeneuve-sur-Yonne. La même année, il convole en justes noces avec Georgette Valentine Lablais, fille d’un des plus gros notables de la ville. Mais, cinq ans et une kyrielle de vols plus tard, la roue tourne pour Petiot. Frappé d’infamie après avoir été cité à comparaître devant les tribunaux pour des délits de fausses factures, d’escroqueries aux assurances et de détournements de fonds, le « bon docteur » est contraint de renoncer à son mandat de maire de maire avant d’être privé de tout mandat électif en 1934 pour avoir trafiqué un compteur électrique.
Contraint de quitter l’Yonne, Petiot s’installe à Paris, ouvrant un cabinet au 66 de la rue Caumartin, dans le IXe arrondissement et continue allègrement ses larcins. Son activité médicale est florissante grâce à une abondante publicité dans laquelle il se prétend électrothérapeute et spécialiste de la désintoxication, ce qui lui permet de délivrer des ordonnances de complaisance aux toxicomanes, notamment de la morphine sans risquer d’être poursuivi pour trafic de stupéfiants.
Interné psychiatrique à Ivry pendant quatre ans
Après un vol à la librairie Joseph Gibert en 1937, Petiot réussit une fois de plus à échapper à la prison mais pas à l’internement, passant quatre années à la maison de santé d’Ivry. À sa sortie de l’asile, en 1941, il fait l’acquisition de l’hôtel particulier de la rue Le Sueur, dans le XVIe arrondissement et le transforme en clinique. Il fait surélever le mur mitoyen, rénove aussi sa cave, consolide le puits existant et fait installer une imposante chaudière ainsi qu’un large évier. Marcel Petiot va rester deux ans dans les lieux jusqu’à ce fameux 11 mars1944…
La fuite de Petiot
Après être passé ce jour-là entre les mailles du filet, Petiot s’engage sous le pseudonyme de Valery dans les Forces Françaises de l’intérieur. Nommé capitaine, il est affecté à la caserne de Reuilly. Mais sa mégalomanie va finalement perdre Petiot. Le « bon docteur » se trahit lui-même en demandant par lettre manuscrite un droit de réponse au journal « Résistance » qui a publié un article intitulé : « Petiot, soldat du Reich ». Ce courrier permet à la police de retrouver sa trace et de l’arrêter le 31 octobre1944.
Petiot est jugé à partir du 18 mars 1946. 27 assassinats lui sont reprochés – dont ceux de douze israélites et de quatre proxénètes accompagnées de leurs prostituées respectives – alors qu’il en revendique lui-même 63, persistant à affirmer qu’il a « tué pour la France » en « éliminant » des collabos et des Allemands. Mais il est bien incapable d’expliquer comment le fameux pyjama du petit René a été découvert dans les valises d’effets volés retrouvées chez lui, ni comment des personnes innocentes figurant sur le fichier des personnes disparues soient au nombre de ses victimes…
« Tarifs de groupe »
En fait, il se révélera que depuis 1943, Petiot, sous le nom du « Docteur Eugène » avait proposé à des personnes poursuivies par les Gestapo de les aider à passer en Argentine. Il leur demandait d’arriver de nuit rue Le Sueur avec valises, argent et bijoux pour payer leur passage. Aucun d’eux n’arrivera en Amérique du Sud… Les victimes de Petiot furent essentiellement des familles juives à qui il proposait des « tarifs de groupe » mais aussi des malfrats qui cherchaient à fuir la police. Au total, on estime que Petiot aurait soustrait l’équivalent de 30 millions d’euros à ses victimes…
Malgré tous les efforts de Me René Floriot, le grand ténor du barreau, Petiot fut condamné à la peine de mort le 4 avril 1946 pour 24 meurtres. Il est guillotiné à la prison de la Santé le 25 mai 1946 à l’aube. À l’avocat général venu le réveiller pour lui annoncer son exécution, Petiot lance un « Tu me fais chier… » avant de dire à son bourreau devant la guillotine « ça ne va pas être beau ». Enfin, quand on lui demande s’il a une dernière chose à déclarer, il se contente d’un laconique et mystérieux : « Je suis un voyageur qui emporte ses bagages ».
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