Les anciens antibiotiques toujours efficaces, et souvent disponibles sous forme générique, ne sont pas universellement commercialisés ou disponibles, d’après un commentaire paru dans « Clinical Microbiology and Infection », le journal de l’ESCMID (la société européenne de microbiologie clinique et des maladies infectieuses).
C’est ce qu’a montré une équipe coordonnée par le Pr Céline Pulcini, infectiologue à l’université de Lorraine et au CHRU de Nancy. Elle souligne que cela peut pousser les médecins à prescrire des antibiotiques moins ciblés, moins efficaces, parfois plus onéreux, occasionnant davantage d’effets secondaires, et favorisant le développement d’une antibiorésistance, et ce en dépit des recommandations en vigueur. Ce manque d’accès aux antibiotiques anciens est particulièrement prégnant pour les infections touchant nouveau-nés et enfants, en particulier à cause du manque de disponibilité des formulations pédiatriques.
Les auteurs soulignent ainsi que l’amoxicilline est utilisée à la place de la pénicilline dans le traitement des maux de gorge ; les fluoroquinolones à la place de la fosfomycine, de la nitrofurantoïne ou du pivmecillinam dans le traitement des cystites ; et les céphalosporines ou l’association amoxicilline/acide clavulinique au lieu de formulations orales de pénicilline antistaphylocoque dans le traitement de certaines infections dermatologiques.
Causes financières
C’est le manque d’intérêt financier qui pousse les fabricants à moins produire et commercialiser ces antibiotiques anciens. « Ces médicaments ont été disponibles pendant longtemps et sont toujours efficaces pour traiter des infections bactériennes communes » explique le Pr Pulcini. « Cependant, leurs brevets ont expiré il y a des années et il est moins intéressant financièrement pour les fabricants de les commercialiser partout dans le monde. » Les coûts pour enregistrer des médicaments dans de nombreux pays différents sont en effet élevés, et le marché pour ces antibiotiques relativement étroit, puisqu’ils sont génériqués et prescrits pour de courtes durées.
Pénuries récurrentes
Des recherches menées par l’ESCMID en 2011 dans 38 pays (en Europe, Amérique du Nord et Australie) ont montré que sur 33 antibiotiques anciens mais efficaces, 22 étaient commercialisés dans moins de 20 pays. En 2015, la situation s’était encore détériorée. Les auteurs notent aussi qu’entre 2001 et 2013, des pénuries avaient été observées pour 148 antibiotiques aux États-Unis, parfois de façon répétée.
Les auteurs réclament l’intervention de l’OMS et de la Commission européenne pour assurer la disponibilité des antibiotiques. « Si cela n’est pas fait, nous allons perdre des antibiotiques de bonne qualité et relativement peu chers, dont on a besoin quotidiennement, partout dans le monde, au profit d’antibiotiques moins efficaces, qui provoqueront davantage d’effets secondaires et entraîneront davantage de résistance », prévient le Pr Pulcini.
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