Livres
A PART quelques exceptions comme Patrick Süskind ou Bernard Schlink, la littérature allemande a du mal à s'imposer en France. Autant elle a été prisée au XIXe siècle, autant elle a été boudée au siècle suivant ; en grande partie à cause des deux guerres mondiales qui ont alimenté des réticences et des préjugés à l'égard de la culture allemande. Qu'en est-il à l'aube du XXIe siècle et y a-t-il, dix ans après la réunification, une, ou deux, littératures allemandes ?
A vrai dire, les ponts n'ont jamais été totalement coupés et des œuvres d'auteurs de ce qu'on a appelé la « littérature des ruines » ont été traduites peu après la fin de la guerre. « Livres-Hebdo », qui s'est livré à un historique détaillé de l'évolution des relations franco-allemandes, cite ainsi les noms de Stefan Andres, Walter Jens, Hans Hellmut Kirst, Hans Erich Nossack, Hans Werner Richter et, bien sûr, à partir de 1953, Heinrich Böll. Puis, à partir des années soixante, ce fut au tour de jeunes auteurs d'être traduits : Martin Walser, Günter Grass, Peter Härtling pour l'Ouest, Heiner Müller, Erwin Strittmatter, Christa Wolf pour l'Est. A chaque Allemagne sa littérature.
Celle de RFA, encore marquée par le nazisme, s'oriente vers une littérature documentaire faite de reportages et de témoignages visant à dénoncer la situation politique et les tares de la société. Puis, à la fin des années soixante-dix et après la répression du terrorisme de la Fraction armée rouge, les écrivains se replient sur des récits autobiographiques : c'est le courant de la « Nouvelle subjectivité », avec Botho Strauss, Peter Handke ou Nicolas Born, qui va s'amplifier dans les années quatre-vingt, avec une prolifération de journaux intimes, correspondances, biographies.
Curieusement, la littérature de la RDA a connu un même cheminement de repliement sur soi, après évidemment que la censure, la surveillance des écrivains et les mesures répressives se sont assouplies.
La chute du mur de Berlin a aussitôt entraîné la circulation des hommes et des idées et peu à peu la synthèse entre les deux littératures s'est effectuée, non sans conflits parfois ; c'est ainsi que le narrateur de « Toute une histoire », l'ouvrage de Günter Grass qui est paru en 1995, appartient à l'ancienne RDA ; on se souvient des polémiques qui ont suivi sa parution.
Aujourd'hui, si l'on ne parle plus que d'une littérature allemande, on remarque que la RDA en tant que sujet romanesque ainsi que les conséquences de l'unification sur ses habitants occupent une place importante dans les écrits des jeunes auteurs ; et que parmi ces jeunes écrivains de talent, beaucoup ont grandi à Berlin-Est, dans le Brandebourg ou en Thuringe. Le mot de passe du succès que l'on fait miroiter aux auteurs, est celui d'avenir : il faut tourner la page d'un passé douloureux et d'un sérieux que l'on dit aujourd'hui confiner à l'ennuyeux, rentrer dans le rang de la mondialisation en quelque sorte. Un mot d'ordre que ni les auteurs ni les lecteurs ne sont obligés de partager !
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