Le constat est clinique, et la comparaison avec l’Allemagne, cruelle. La France ici ne peut invoquer l’argument des aléas de la recherche pour expliquer l’échec patent observé lors de la crise Covid. Pourquoi de l’autre côté du Rhin, a-t-on été en capacité de mettre au point très rapidement des tests diagnostiques et contribué à la mise au point des vaccins à ARN ? Alain Fischer dans sa note apporte la réponse sans langue de bois. Tout simplement parce qu’« il n’y avait plus de laboratoires consacrés à ces virus en France en 2019, faute de financement ». Quant aux fondateurs de BioNTech, ils disposaient d’un laboratoire au sein d’un institut public équivalent à l’Inserm. Et Alain Fischer de s’interroger faussement naïf : « En aurait-il été de même en France ? »
Déclassement ?
Aujourd’hui le décrochage français [son déclassement ?] est désormais reconnu par tous. La note partage des données qui font consensus. La France occupe le neuvième rang pour le nombre de publications internationales tous domaines confondus en 2018, alors qu’elle occupait encore la sixième place en 2005. Si l’on s’intéresse au critère des publications à fort impact effectué par la revue Nature, la chute est encore plus brutale. La France serait le pays qui aurait enregistré le « plus fort déclin sur la moyenne des cinq dernières années parmi les dix premiers pays du classement ». Quant aux facultés de médecine, elles sont en retrait par rapport à leurs concurrentes européennes. Selon le classement international dressé par l’université Jia Tong (Shanghai), la France place quatre universités françaises par les cent premières à comparer aux 17 universités britanniques, 6 universités néerlandaises et 5 universités allemandes.
Chute des financements
Cette chute dans les palmarès internationaux serait corrélée au niveau de financement de la recherche inférieur à la plupart des pays développés, même si l’on observe un léger mieux au cours des dernières années. Persiste toutefois un décalage inquiétant dans le secteur de la santé et des sciences biologiques. Les crédits publics de R&D ont diminué de 28 % entre 2011 et 2018. Dans le même temps, ils ont progressé de +11 % en Allemagne, et de +16 % au Royaume-Uni.
Manque d'attractivité et d'efficience
Le manque de crédits n’est peut-être pas la seule explication. On recense dans l’Hexagone un nombre de chercheurs comparable à celui des autres grandes nations. Alain Fischer ose avancer une autre hypothèse, celle d’une moindre efficience. Faute de salaires suffisants, les étudiants les plus brillants ne seraient plus attirés par la recherche. Ou partent à l’étranger où le niveau de rémunération est plus élevé.
Augmenter le budget de la recherche
Que faire une fois ce constat dressé ? Augmenter le budget de la recherche au niveau des pays les plus performants comme l’Allemagne. Les plans récents ne seraient pas suffisants. Concernant la loi de programmation de la recherche de 2020, Alain Fischer pointe l’absence d’effort financier pour les dotations récurrentes des laboratoires de recherche. Ce qui accentue le déséquilibre entre financement par projet et financement récurrent alors que la note suggère justement d’opérer un rééquilibrage au bénéfice du financement par dotation. Quant au Plan innovation santé 2030, il omettrait un facteur essentiel, celui de la recherche fondamentale qui est pourtant à l’origine des innovations.
Gouvernance de la recherche
Autre domaine qui exige des mesures fortes, la gouvernance de la recherche. Alain Fischer suggère un choc de simplification. L’Inserm serait doté de nouveaux instruments de financement actuellement accordés aux équipes de recherche par l’Agence nationale de la recherche. L’ANRS et l’Inca n’assureraient plus le pilotage des programmes de recherche qui seraient également confiés à l’Inserm. Les argumentaires de contestation doivent sûrement être déjà rédigés par les organismes concernés. Enfin, les CHU ne sont pas oubliés. La loi HPST est contestée à cause du rôle prééminent accordé au directeur de l’établissement au détriment des acteurs de la recherche. Un modèle est convoqué, celui des Pays Bas où a été mis en place un trumivirat performant qui réunit les directeurs d’hôpital, de la recherche et de la faculté. Alain Fischer dans sa conclusion appelle au débat. Nul doute que sur ce point, il sera entendu.
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