L E tribunal de grande instance de Nantes doit examiner demain à 14 heures le litige qui oppose la caisse primaire d'assurance-maladie (CPAM) de Nantes à l'Olympique de Marseille (OM), célèbre club de football.
Le 29 mai 1999, le joueur Yves Deroff avait été blessé lors d'un match opposant son équipe, le football-club de Nantes (FCNA), et l'équipe marseillaise : une double fracture tibia-péroné provoquée par le tacle d'un joueur de l'équipe adverse, Patrick Blondeau. La presse avait alors parlé de « tacle assassin » (« le Quotidien » du 7 octobre 1999).
La section disciplinaire de la Ligue professionnelle de football avait condamné Blondeau à un mois de suspension ferme.
Pour le bouillant directeur de la CPAM de Nantes, Claude Frémont, qui avait assisté au match en fidèle supporter, il paraissait discutable que la Sécurité sociale paye sans mot dire les prestations versées à Yves Deroff. Leur montant s'élève finalement à 191 035,78 F. Mais « qu'importe le chiffre, tempête-t-il, c'est une question de principe. La Sécurité sociale doit engager une procédure de recouvrement auprès d'un tiers en responsabilité civile dans n'importe quelle activité humaine. Pourquoi le sport ferait-il exception ?», s'interroge-t-il.
En octobre 1999, le CPAM de Nantes avait donc assigné Patrick Blondeau et son employeur pour obtenir le remboursement des prestations versées dans le cadre d'une action civile en « recours contre tiers ». Depuis lors, l'affaire est devant le juge et chacun a sa ligne de défense. « La partie adverse invoque la théorie du travail en commun, qui s'applique quand un accident implique deux ouvriers de la même entreprise. Si l'on considère que, dans un match de football, les joueurs sont placés sous la même direction - celle de l'arbitre -, pour une tâche effectuée dans un but commun - le spectacle -, alors le recours contre tiers ne peut être invoqué par la Sécurité sociale », dit Claude Frémont pour expliquer la position de la partie adverse. Mais pour lui, ce raisonnement n'a pas de sens.
Un jugement qui fera jurisprudence
« Dans un match de foot professionnel, l'enjeu est de gagner une place au détriment de l'équipe adverse », souligne-t-il. Le fait que la caisse prenne l'initiative de demander par elle-même la réparation du préjudice subi fait toute l'originalité de ce procès. « Je crois savoir que le joueur blessé et son club se sont chacun tâtés avant de renoncer finalement à agir devant la justice. Car dans le milieu sportif, on estime qu'il y a des choses qui ne se font pas », confie le directeur de la CPAM, persuadé d'avoir pris la bonne décision.
Chacune des parties viendra au procès avec sa bande vidéo. Est-ce qu'en visionnant les quelques secondes où Blondeau effectue son geste tant décrié le juge estimera qu'il y a eu violence au-delà du risque inhérent au jeu ? C'est ce qu'escompte Claude Frémont.
Quelle que soit sa décision, le jugement du tribunal fera jurisprudence. S'il donne raison à la CPAM de Nantes, les conséquences financières pourraient être sérieuses dans le domaine sportif. « Si le tribunal nous suit, les caisses demanderont le remboursement des prestations versées pour des accidents qui seront survenus sur n'importe quel terrain de jeu, au sein d'équipes d'amateurs aussi bien que professionnelles », souligne Claude Frémont. Selon lui, la note sera réglée par les assureurs privés. A condition que tous les clubs et tous les joueurs soient bien assurés en responsabilité civile, ce dont il doute. Et de toute façon, face à ce nouveau risque, les assureurs ne se priveraient pas d'augmenter leurs primes. Autant dire que la décision de Nantes est très attendue.
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