30 ans de progrès dans la myopathie de Duchenne

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Publié le 14/03/2016
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Crédit photo : JP. Pouteau

Le congrès international de myologie, organisé par l’AFM-Téléthon (14-18 mars à Lyon) met à l’honneur, cette année, toutes les avancées réalisées dans les maladies rares neuromusculaires, depuis la découverte, il y a 30 ans, du gène responsable de la myopathie de Duchenne. Le point avec le Dr Serge Braun, directeur scientifique de l’AFM-Téléthon.

LE QUOTIDIEN : Quelle est l’importance des maladies neuromusculaires parmi les maladies rares ?

Dr SERGE BRAUN : Il existe plus de 7 000 maladies rares, dont près de 300 sont neuromusculaires : mais nous ne les connaissons pas encore toutes. On estime que les trois quarts sont connues. Parmi celles-ci, la myopathie de Duchenne, qui touche essentiellement les garçons, est la plus fréquente (environ 2 500 enfants touchés en France).

L’amyotrophie spinale infantile touche aussi bien les filles que les garçons (120 nouveaux cas/an). Si l’on exclut la sclérose en plaques qui concerne à elle seule 80 000 personnes en France, on estime que plus de 100 000 personnes sont atteintes d’une maladie neuromusculaire. 80 % sont d’origine génétique, d’autres sont d’origine auto-immune.

Ces maladies neuromusculaires sont très complexes car elles touchent les muscles, les neurones, les jonctions neuromusculaires… Mais depuis l’annonce au congrès de myologie à Tours en 1986, de la découverte du gène responsable de la myopathie de Duchenne, le premier gène identifié dans les maladies neuromusculaires, que de progrès ont été accomplis dans cette maladie, mais aussi dans d’autres !

Où en est la recherche sur la myopathie de Duchenne ?

Après la découverte du gène, et des mécanismes moléculaires en jeu dans la maladie, plusieurs approches thérapeutiques sont explorées. Avec les progrès de la thérapie génique, on est devenu capable de délivrer des gènes dans la musculature qui représente à elle seule la moitié de la masse de l’organisme.

Des résultats d’essais précliniques spectaculaires ont été obtenus récemment chez des chiens myopathes. Des molécules conçues pour agir directement sur le fonctionnement des gènes sont en cours de demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ainsi, un médicament, l’ataluren (Translarna), a déjà obtenu son AMM en Europe pour les garçons atteints de myopathie de Duchenne dus à une mutation génétique de type codon STOP (13 % des cas).

Cette avancée est une très bonne nouvelle pour les malades atteints d’autres maladies génétiques causées également par des mutations STOP (environ 10 % des maladies rares). Parallèlement, deux oligonucléotides antisens (drisapersen, eteplirsen) font actuellement l’objet de demande d’autorisation auprès de la FDA. Mais l’agence a rejeté le drisapersen et fera connaître sa décision sur l’eteplirsen en mai prochain.

Enfin, des essais précliniques chez des souris modèles ont montré des résultats prometteurs avec des antisens tricyclo-ADN, qui sont des oligonucléotides modifiés dans le but d’améliorer leur affinité avec l’ARN et leur distribution dans l’organisme. Ils ont permis une restauration de la dystrophine aussi bien dans les muscles que dans le cœur et même, dans le cerveau.

Ces nouvelles approches thérapeutiques antisens dans les maladies rares sont prometteuses. Elles permettent d’envisager des applications plus larges dans d’autres maladies (Alzheimer, cancer, maladies inflammatoires, cardiovasculaires…).

Quels sont les progrès concernant l’amyotrophie spinale infantile ?

L’amyotrophie spinale infantile est d’origine génétique et affecte les neurones moteurs de la moelle épinière. Dans les formes sévères (type I), la moitié des nourrissons décèdent avant l’âge de 1 an ou sont en détresse respiratoire. Il existe aussi des formes moins sévères, d’apparition plus tardive, mais très invalidantes.

Plusieurs essais de thérapie génique sont en cours pour les formes les plus sévères avec des injections dans le liquide céphalorachidien d’antisens ou d’un virus portant une version saine du gène SMN1. Des résultats intermédiaires prometteurs portant sur des nourrissons traités avant l’âge de 7 mois, vont être présentés au congrès. Pour les formes plus tardives de la maladie (type II et III), l’olésoxime, développé par la société Trophos (Marseille) avec le soutien de l’AFM-Téléthon, racheté par le laboratoire Roche, se rapproche de l’AMM.

Cette molécule possède un effet neuroprotecteur qui stabilise la maladie et permet un maintien des fonctions motrices. Elle serait également intéressante dans la sclérose en plaques. Toutes ces nouvelles approches sont le fruit de 30 années de recherche fondamentale et appliquée soutenue.


Source : lequotidiendumedecin.fr