Certains antidépresseurs entraînent une relaxation du sphincter anal interne
L ES effets des antidépresseurs sur la physiologie viscérale sont connus, mais leur mécanisme d'action n'est pas clairement élucidé. Ainsi, un travail expérimental a été réalisé afin d'évaluer la sensibilité et la motricité ano-rectale en réponse à une distension anale barométrique contrôlée chez 12 volontaires sains, après prise unique orale d'amitriptyline ou de fluoxétine.
L'amitriptyline est un antidépresseur mixte de type tricyclique (inhibiteur non sélectif de la recapture de la monoamine), dont les effets secondaires digestifs sont le plus souvent à type de troubles de la motricité colique (constipation, inertie, colectasie). La fluoxétine, inhibiteur de la recapture de la sérotonine, peut entraîner des effets indésirables intestinaux liés à un syndrome sérotoninergique, manifesté par une diarrhée.
Douze jeunes volontaires sains de sexe masculin ont été inclus dans cette étude randomisée, en double aveugle et cross over contre placebo. Quatre heures après une prise orale unique d'amitriptyline (75 mg) ou de fluoxétine (40 mg) ou d'un placebo, une distension rectale isobarique a été réalisée ; son retentissement sur le canal anal - pression de sa partie haute, reflet de l'activité du sphincter interne, constitué de fibres musculaires lisses, et pression de sa région inférieure, signant l'activité du sphincter externe, composé d'une musculature striée - a été enregistré par manométrie. En outre, on a étudié les pressions et volumes du rectum, la douleur perçue lors de la distension rectale - appréciée sur une échelle visuelle analogique - et un test de nociception somatique a été réalisé.
Réponse anale modifiée par les antidépresseurs
La réponse anale à la distension rectale était modifiée par la prise des deux antidépresseurs, mais elle était différente selon le produit utilisé. L'amitriptyline et la fluoxétine ont eu une action sur les paramètres reflétant l'activité du sphincter anal interne (muscle lisse) : ils ont tous deux entraîné une baisse des pressions au niveau de la partie haute du canal anal (p = 0,0001), alors que seule l'amitriptyline a provoqué une diminution des pressions de la partie basse du canal par rapport au placebo (p = 0,0001). La diminution franche des pressions enregistrées à la partie haute du canal anal suggèrent que ces deux antidépresseurs pourraient avoir un effet sur la musculature lisse, peut-être liée à une inhibition des canaux calciques.
Par ailleurs, la prise unique des deux antidépresseurs ne modifiait ni la perception non douloureuse viscérale ni la perception douloureuse viscérale ou somatique.
De façon globale, les deux antidépresseurs administrés n'ont pas modifié la réponse adaptative passive (compliance) et réflexe (réflexe adaptatif viscéro-viscéral) ni la réponse motrice du réservoir rectal soumis à une distension isobarique. L'amitryptiline, moins sélective que la fluoxétine, altère le réflexe viscérosomatique impliquant le sphincter anal externe (mais pas la fluoxétine).
Deux mécanismes d'action
On peut évoquer deux mécanismes d'action différents pour l'amitriptyline et la fluoxétine : une action myogène directe sur le sphincter anal interne et un effet neuromusculaire réflexe au niveau du sphincter anal externe.
Les effets de ces antidépresseurs sur les pressions du canal anal incitent à les tester dans des pathologies où existe une hypertonie anale. La fluoxétine pourrait être privilégiée lorsqu'il existe une anomalie du canal anal interne (fissure anale chronique, hypertonie anale idiopathique) ; l'amitriptyline pourrait, en revanche, être utilisée chez les patients souffrant d'algies périnéales chroniques évoquant un syndrome des muscles releveurs (hypertonie douloureuse de la sangle du muscle pubo-rectal).
D'après un entretien avec le Dr Laurent Siproudhis, service des maladies de l'appareil digestif (CHRU de Rennes).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature