Trois lignes de chimiothérapie pour les cancers métastatiques
L 'EQUIPE du service d'oncologie médicale de l'hôpital Saint-Antoine, Paris, a réalisé un travail original prospectif sur 93 patients ayant un cancer colo-rectal métastatique pour évaluer le pourcentage de patients capables de recevoir plusieurs lignes de traitement et l'impact d'une telle stratégie sur la survie. Les investigateurs ont traité tous les patients en première ligne avec un schéma de 5-FU-acide folinique, puis ont proposé à tous les patients capables de la recevoir une deuxième ligne protocolaire qui consistait à rajouter de l'oxaliplatine au schéma 5-FU-acide folinique, suivie d'une troisième ligne protocolaire, lorsque l'oxaliplatine avait montré sa limite d'efficacité, en la substituant par le CPT 11. Comme l'explique le Dr Christophe Louvet, hôpital Saint-Antoine, Paris, « bien que l'efficacité en deuxième ligne thérapeutique d'une association 5-FU-oxaliplatine ou 5-FU - CPT 11 était déjà connue lorsque nous avons démarré ce travail, la démonstration avait été faite dans le cadre de protocole de deuxième ligne, c'est-à-dire avec un biais de sélection des patients, puisque seuls les patients pouvant recevoir un traitement de deuxième ligne étaient inclus dans ces études. Autrement dit, nous avions peu d'information sur le pourcentage réel de patients avec un diagnostic de cancer colo-rectal métastatique, capable de recevoir plusieurs lignes de traitement ». Le premier intérêt de ce travail est d'avoir montré qu'environ 4 patients sur 5 peuvent recevoir une deuxième ligne thérapeutique après du 5-FU modulé en première ligne et que plus de un patient sur deux peuvent recevoir une troisième ligne.
Des drogues actives en deuxième et troisième ligne
« Maintenant que nous disposons de drogues actives en deuxième et troisième ligne, remarque le Dr C. Louvet, ces traitements vont avoir une influence sur la survie globale. C'est pourquoi la meilleure façon d'apprécier la valeur propre de chacune des lignes thérapeutiques repose sur le temps de survie sans progression pendant la période où le patient est exposé à l'une ou l'autre des lignes thérapeutiques. »
Le temps de contrôle de la maladie
Un autre objectif important de ce travail est de définir un concept « mathématique » en termes de temps de contrôle de la maladie, concept qui consiste à additionner les différents temps de survie sans progression pour chacune des lignes. Des résultats tout à fait intéressants émanent de ce travail puisque les investigateurs ont eu la surprise de constater un excellent résultat de survie sans progression de plus de neuf mois en première ligne avec du 5-FU modulé avec une administration originale simplifiée. Puis l'adjonction d'oxaliplatine en deuxième ligne a permis de rallonger le temps de contrôle de la maladie à plus de quinze mois et l'adjonction de CPT 11 en troisième ligne a permis de le rallonger au-delà de dix-huit mois. Autrement dit, plus le patient peut bénéficier de lignes protocolaires, plus les chances sont grandes d'augmenter la survie globale. Néanmoins se pose le problème de la situation actuelle où l'oxaliplatine et le CPT 11 ont dorénavant leur AMM en première ligne. Ces produits associés au 5-FU ont démontré leur supériorité par rapport au 5-FU seul, de sorte qu'il est actuellement plus difficile de recommander une stratégie par du 5-FU seul, puis de l'oxaliplatine suivi de CPT 11 (ou l'inverse), dans la mesure où l'on sait que l'association d'emblée de deux médicaments a une meilleure efficacité que l'administration seule de 5-FU. « La situation devient donc paradoxale, remarque le Dr Ch. Louvet, en ce sens où l'administration d[212]emblée de 5-FU et de CPT 11 suivie de 5-FU-oxaliplatine (ou l'inverse), ramène à une stratégie à deux lignes et non pas à trois lignes, ce qui va à l'encontre de la conclusion de notre travail. L'arrivée en première ligne de ces nouvelles molécules plus actives que le 5-FU seul pose donc un vrai problème par rapport au concept de notre travail qui reste vrai si le traitement débute avec du 5-FU seul, mais qui ne l'est plus si le traitement débute avec une nouvelle drogue. »
Le risque de neuropathie
Face à ce problème se profile un élément de réponse si l'on considère l'un des aspects limitants du traitement par 5-FU-oxaliplatine qui est la neuropathie. Cette neuropathie est cumulative de sorte que l'oxaliplatine ne peut être administrée indéfiniment, alors même qu'elle est efficace. C'est la raison pour laquelle les investigateurs ont développé à travers leur travail un autre concept qui consiste à augmenter le nombre de lignes thérapeutiques tout en respectant des périodes avec ou sans ces nouvelles drogues, de façon à éviter de se retrouver piégé dans une situation où la toxicité d'une drogue pourtant efficace en limiterait son utilisation.
D'après un entretien avec le Dr Christophe Louvet, service d'oncologie médicale, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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