L'antibioprophylaxie au cours des pancréatites aiguës graves fait l'objet de controverses
U NE étude prospective multicentrique a été initiée par le Club français du pancréas il y a cinq ans. Sur les onze centres qui ont participé à cette étude, 3 ont été particulièrement actifs : Rennes, Nice et Amiens. Au total, 81 patients (67 hommes et 14 femmes) âgés de 29 à 81 ans (47 ± 15 ans) souffrant d'une pancréatite aiguë (PA) ayant débuté depuis moins de 48 heures ont été inclus. Il s'agissait de PA considérées comme non biliaires et ayant au moins deux coulées et/ou des hypodensités intrapancréatiques à l'examen tomodensitométrique précoce. Rappelons que dans 40 % des cas les PA sont biliaires et concernent plutôt la femme ; les autres pancréatites non biliaires sont en général d'origine alcoolique.
Traiter de 7 à 21 jours
Dans le but de savoir si l'antibioprophylaxie était intéressante et de déterminer la durée idéale du traitement (7 ou 21 jours), les patients ont été randomisés en trois groupes : dans un premier groupe (groupe A), 28 patients ne recevaient pas d'antibiotiques, dans un deuxième groupe (groupe B), 27 patients recevaient 200 mg de ciprofloxacine en intraveineux matin et soir, relayée dès que possible par 500 mg per os matin et soir pendant sept jours et dans le troisième groupe (groupe C), 26 sujets avaient la même dose de ciprofloxacine mais pendant vingt et un jours. Le score de Ranson clinico-biologique et l'index de gravité simplifié étaient notés pour chaque patient.
Les groupes étaient comparables quant à l'âge, le sexe, l'étiologie et les scores de gravité.
Une ponction des coulées extrapancréatiques était programmée à J 7 ± 1 et dès qu'il existait une suspicion d'infection pancréatique. Les critères de jugement étaient la survenue d'une infection pancréatique ou extrapancréatique, le recours à la chirurgie ou le décès.
Dans les groupes A, B et C, une infection pancréatique est survenue chez 21,4 %, 14,8 % et 3,8 % des patients respectivement. Il existait une différence importante de survenue des infections pancréatiques ou extrapancréatiques entre les groupes A et C et entre les groupes sans antibiotique (A) et avec antibiotiques (B et C). Le recours à la chirurgie a été nécessaire chez 14,3 %, 11,1 % et 3,8 % des patients des groupes A, B et C, respectivement. Trois patients sont décédés dans le groupe A, 2 dans le groupe B et 4 dans le groupe C.
Une diminution des infections
En conclusion, une diminution des infections pancréatiques et extrapancréatiques a été observée dans les deux groupes traités par antibiotique, mais de façon significative uniquement dans le groupe traité par antibiotiques pendant 21 jours. « Paradoxalement, il n'a pas été observé de diminution de la mortalité globale, explique le Dr Delcenserie, sans doute pour les raisons suivantes : d'une part, l'effectif insuffisant de l'étude, et, d'autre part, le fait qu'une recherche régulière d'infection était effectuée auprès du groupe A non traité, permettant un diagnostic précoce et la prise en charge rapide d'une éventuelle infection ».
« Ces résultats justifient à mon avis, insiste le Dr R. Delcenserie , une antibiothérapie précoce de trois semaines dans les pancréatites aiguës graves et nécrotiques, qui représentent environ 20 % des pancréatites aiguës et ne concernent qu'une minorité de patients, ce qui réduit d'autant l'éventuel risque de sélection de souches multirésistantes. Cette attitude rejoint par ailleurs celle d'un bon nombre de consensus internationaux et les conclusions de sociétés savantes européennes (2) ». Dans ces cas-là, la ciprofloxacine est un antibiotique potentiellement intéressant car il a une excellente diffusion intrapancréatique et il est efficace sur la plupart des germes responsables des infections au cours des PA (essentiellement germes à Gram négatif, et depuis peu quelques germes à Gram positif comme les staphylocoques).
Rappelons néanmoins que selon la dernière conférence de consensus de l'ANAES réalisée à l'initiative de la Société nationale française de Gastro-entérologie (lire encadré), l'antibiothérapie précoce préventive systématique n'était pas jusqu'à présent recommandée dans les pacréatites aiguës graves.
D'après un entretien avec le Dr Richard Delcenserie, hôpital Nord, CHRU Amiens.
(1) Conférence de consensus de l'ANAES organisée les 25 et 26 janvier 2001
(2) GCB 2001 ; 25 (1).
Conférence de consensus sur la pancréatite aiguë : conclusions et recommandations
Le paragraphe concernant l'antibiothérapie préventive dans le texte de la conférence de consensus est ainsi libellé :
« L'infection de la nécrose pancréatique est plurimicrobienne. Ce constat a conduit à proposer une antibiothérapie systématique, précoce et prolongée, administrée par voie systémique et/ou digestive. Si des études animales pouvaient justifier quelques espoirs, les résultats des études cliniques actuellement disponibles prêtent à discussion sur de nombreux points méthodologiques et incitent à une réserve prudente. Les risques en matière d'écologie liés à des prescriptions s'écartant des bonnes pratiques de l'antibiothérapie doivent être pris en considération. Pour toutes ces raisons, dans l'état actuel des connaissances, une antibiothérapie précoce préventive systématique ne peut être recommandée. »
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