L'Hépato-gastro-entérologue reste un spécialiste référent d'un médecin généraliste
L E champ d'action de l'hépato-gastroentérologie, discipline clinique et médico-technique, concerne environ 800 affections différentes. Selon les données de 1998 du programme de médicalisation du système d'information (PMSI), la pathologie digestive et hépatique constitue le premier motif d'hospitalisation publique et privée. Ces données PMSI n'incluent pas la pathologie tumorale ; or 25 % des tumeurs malignes sont représentées par les cancers de l'appareil digestif et du foie. Les deux principaux facteurs de risque sont les agents infectieux et les modes de vie (alcool, tabac, toxicomanie, sexualité, alimentation, surpoids, stress et précarité).
Trois pôles d'épidémiologie hospitalière
L'alcoologie, la dénutrition et les urgences constituent trois pôles d'activité en épidémiologie hospitalière.
Alcoologie
De 5 à 6 millions de Français sont des consommateurs d'alcool à risque et de 1,5 à 2 millions des sujets alcoolodépendants. Sur 85 287 décès avant 65 ans, 42 963 sont liés à l'alcool. L'hépato-gastroentérologue hospitalier est en première ligne en alcoologie car l'hospitalisation des sujets alcooliques se fait davantage en médecine qu'en psychiatrie et de façon prédominante dans les services d'hépato-gastroentérologie.
Dénutrition
Les hépato-gastroentérologues qui maîtrisent les techniques d'assistance nutritionnelle comme la nutrition entérale et l'alimentation parentérale, jouent également un rôle central dans la prise en charge précoce de la dénutrition due aux maladies digestives, hépatiques, mais aussi à de nombreuses autres pathologies : près de 50 % des patients hospitalisés présentent des signes de dénutrition qui souvent s'aggravent pendant l'hospitalisation.
Les urgences
Les urgences digestives et hépatiques sont nombreuses. L'incidence des hémorragies digestives hautes, principalement prises en charge par les services d'hépato-gastroentérologie, est de 65 000 par an, dont 25 % surviennent chez des malades hospitalisés (ulcères aigus). Les principales causes d'hémorragies sont les ulcères gastroduodénaux (voir encadré), les varices sophagiennes par hypertension portale, les gastrites aiguës médicamenteuses, notamment celles dues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et à l'aspirine, même à faible dose : cette dernière représente un tiers des cas des hémorragies ulcéreuses. L'endoscopie d'urgence largement pratiquée en France dans les unités de soins intensifs permet un diagnostic rapide, une prise en charge adaptée et des gestes endoscopiques d'hémostase.
Les TFI : principale activité de soins
A l'occasion du Livre Blanc, la constitution d'un panel de 179 hépato-gastroentérologues libéraux représentatifs des praticiens libéraux a permis de réaliser une étude d'une semaine chez 7 224 malades sur les activités de soins. Dans cette enquête, 55 % des malades sont venus pour une consultation et 45 % pour des actes techniques. Soixante-dix neuf pour cent étaient âgés de plus de 40 ans.
Huit mille deux cent trente-six pathologies ont été observées : 1 malade sur 4 présentait des troubles fonctionnels digestifs ; 1 malade sur 6 une affection proctologique ; 1 malade sur 6 une pathologie sogastroduodénale non tumorale (ulcère, reflux gastro-sophagien) ; 1 malade sur 9 une pathologie tumorale. Dans 40 % des cas, il s'agissait d'une première consultation, d'une reconvocation à court terme dans un tiers des cas, et d'un suivi à moyen terme dans 27 % des cas. La provenance des malades était la suivante : recours direct du malade (34 %) ; malade adressé par un médecin généraliste (54 %) et malade adressé par un spécialiste (7 %). La coloscopie et la fibroscopie représentaient respectivement 40 et 30 % des actes, et l'échographie 11 %. L'étude du circuit d'aval montre que 42 % des malades sont adressés à leur médecin généraliste, 36 % sont reconvoqués pour complément d'information clinique ou actes techniques et 10 % pour un suivi régulier ; enfin, 6 % sont adressés à un autre spécialiste et 4 % sont adressés à l'hôpital privé ou public. Seulement 3 % sont adressés à un chirurgien. Les filières se différencient en partie par pathologie : les pathologies fonctionnelles et sogastroduodénales sont souvent réadressées aux médecins généralistes alors que les pathologies tumorales et hépatiques, les maladies intestinales chroniques de l'intestin, la proctologie et l'alcoolisme le sont moins fréquemment. Le recours à l'hospitalisation est faible.
Ces faits confirment l'autonomie de l'hépato-gastroentérologue dans le domaine du diagnostic et de la thérapeutique (médicamenteuse ou instrumentale). Majoritairement, l'hépato-gastroentérologue reste un spécialiste référent du médecin généraliste.
Deux enjeux de santé publique
Le cancer colo-rectal représente 15 % de l'ensemble des tumeurs malignes et reste l'un des plus graves. On peut estimer à 200 000 le nombre de personnes qui sont ou ont été atteintes d'un cancer colo-rectal. A court terme, estiment les gastroentérologues, seule une politique de dépistage de masse peut faire évoluer de manière significative ce grave problème. Malgré les évidences scientifiques, les prises de positions convergentes des experts, la mise au point de recommandations précises pour l'organisation du dépistage et l'annonce du gouvernement de faire avancer sans délai le dépistage organisé, aucune décision concrète n'a été prise. Il est temps qu'il devienne réalité.
De la même façon, le programme national de lutte contre l'hépatite C doit répondre à deux priorités : l'accentuation du dépistage et l'optimisation de la prise en charge.
La manométrie sophagienne très utilisée
Les techniques codifiées et validées le plus utilisées sont la manométrie sophagienne, la pH-métrie sophagienne de 24 heures et la manométrie ano-rectale : l'estimation annuelle nationale se situe autour de 25 000 manométries sophagiennes, de 22 000 manométries ano-rectales et de 18 000 pH-métries.
Les CHU réalisent la moitié de ces examens le plus souvent en ambulatoire. Les tests respiratoires réalisés au carbone 13, isotope stable, devraient se développer, car ils sont simples à réaliser et non invasifs. Le test respiratoire marqué au carbone 13 pour le diagnostic de l'infection à Helicobacter pylori est recommandé en France pour le contrôle de l'éradication après traitement curatif, compte tenu du taux de résistance aux antibiotiques.
L'endoscopie digestive
L'activité endoscopique digestive en France a été analysée à partir d'une enquête de deux jours de pratique réalisée en France en 1999 sur un échantillon de 2 858 gastroentérologues libéraux et hospitaliers représentatifs. L'enquête a permis de décrire les conditions de réalisation de l'endoscopie, les modalités de désinfection des matériels, les performances des examens et leurs taux de complications. Si les procédures de désinfection recommandées sont respectées, le virus de l'hépatite C n'est pas détecté. La transmission du prion n'est pas démontrable mais des précautions ont été édictées en cas de suspicion de maladie de Creutzfeld-Jakob chez un malade. La protection contre les infections nosocomiales devrait être efficacement assurée par la généralisation du recours à des matériels et à des gaines protectrices à usage unique.
Mais de lourdes contraintes pèsent actuellement sur l'endoscopie digestive et vont s'aggraver :
- les coûts liés aux procédures de lutte contre les infections nosocomiales sont très élevés ;
- la pratique de l'anesthésie générale en endoscopie digestive est une exception française. Elle est à réviser. La réalisation de la sédation par les hépato-gastroentérologues eux-mêmes, sous réserve d'une formation adaptée, est courante dans les autres pays européens et nord-américains ;
- la mise en place de quotas en hospitalisation et en ambulatoire entraîne le report de certains actes endoscopiques en cabinet privé dans des conditions médico-légales délicates et des délais de réalisation des actes peu acceptables ;
- enfin, d'importants investissements liés aux progrès technologiques sont à prévoir. A travers ce Livre Blanc, les hépato-gastroentérologues demandent l'autorisation de pratiquer la sédation eux-mêmes et de créer des plateaux techniques légers à proximité d'établissements de soins.
Epidémiologie des affections digestives
Hépatite A : 20 000 nouveaux cas par an.
Hépatite B : 10/100 000 habitants.
Hépatite C : de 500 à 600 000 sujets atteints.
Cirrhoses alcooliques : 8 500 et 9 000 décès par an.
Lithiase biliaire : 20 % de la population.
Reflux gastro-sophagien : de 15 à 20 % de la population ont des symptômes au moins une fois par semaine.
TFI : de 15 à 20 % de la population.
Incidence du cancer colo-rectal : 33 405 nouveaux cas.
Incidence du cancer de l'estomac : 7 310 nouveaux cas.
Incidence du cancer de l'sophage : 4 430 nouveaux cas.
Incidence du cancer du pancréas : 3 300 nouveaux cas
96 000 ulcères gastroduodénaux ont été diagnostiqués par endoscopie en 1998.
Incidence de la maladie de Crohn : 5,6/100 000.
Incidence de la maladie de rectocolite hémorragique : 3,5/100 000.
Maladies du pancréas : 4,7/100 000.
* Nous ne donnons ici que les principaux éléments du Livre Blanc
Les médicaments de ville : 9,25 milliards de francs
En 2000, les médicaments de l'hépato-gastroentérologie représentaient 9,25 milliards de francs en consommation pharmaceutique. Le poste de dépense principale est représenté par les inhibiteurs de la pompe à protons (3,8 milliards de francs). En médecine de ville, la prescription de médicaments de gastroentérologie est le fait des médecins généralistes dans plus de 90 % des cas. Ce taux est supérieur à celui des médicaments utilisés par les autres spécialités. Les hépato-gastroentérologues sont à l'origine d'environ 0,7 % du total des prescriptions pharmaceutiques.
A l'hôpital, l'utilisation de l'anticorps anti-TNF alpha, l'infliximab, dans le traitement de la maladie de Crohn sévère, a induit un surcoût de 1 à 2 millions de francs dans certains CHU compensé par une diminution des hospitalisations de longue durée.
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