L'allergie au lait de vache n'est pas toujours une maladie transitoire !
L'allergie aux protéines du lait de vache (ALPV) est la plus fréquente des allergies alimentaires du jeune enfant, elle touche de 2 à 3 % des nourrissons. En effet, le lait de vache est le premier allergène mis au contact de l'enfant, soit dès sa naissance, soit au moment du sevrage de l'allaitement maternel. Les signes cliniques sont plutôt digestifs ou dermatologiques dans les formes de révélation plus tardive. Jusqu'à présent, on pensait que c'était une maladie transitoire, qui disparaissait à l'âge de 6-8 mois. Cependant, il n'y avait pas de suivi à moyen et long termes et un grand nombre de cas étiquetés APLV n'en étaient pas : il s'agissait d'intolérance au lactose ou d'autres pathologies qui n'avaient rien à voir avec un phénomène allergique. Une étude australienne (Hill et coll.) a montré, en prenant des critères plus stricts, que beaucoup d'enfants ne devenaient tolérants aux protéines du lait de vache que bien plus tardivement. Actuellement, les critères de l'ESPGHAN (Société européenne de gastro-entérologie hépatologie et nutrition pédiatriques) permettent de préciser, devant une clinique fortement évocatrice, si un enfant est allergique : il présente alors des stigmates biologiques démontrant cette hypersensibilité (Prick test, RAST) ou il a une anamnèse fortement évocatrice (exemple :survenue des symptômes lors du sevrage de l'allaitement maternel) ; mais le diagnostic est affirmé lorsque les symptômes se sont amendés sous régime d'exclusion et qu'une rechute a eu lieu lors d'une tentative contrôlée de réintroduction dans les semaines qui ont suivi l'exclusion. Très stricts, ces critères ne sont pas toujours réalisables en pratique courante.
Un contexte familial d'atopie
Notre étude a été menée au CHU de Grenoble sur 240 enfants suspectés d'APLV au cours des dix dernières années. Son objectif était de préciser leur devenir allergologique à moyen et long termes, sous régime d'exclusion strict. 126 d'entre eux remplissaient formellement les critères de l'ESPGHAN. Leur âge moyen au moment du diagnostic initial était de 2,5 mois. Dans 75 % des cas, il existait un contexte familial d'atopie. De plus, la moitié de ces enfants avaient été, au moins à un moment de leur vie, partiellement ou totalement nourris au sein. Le suivi moyen de ces enfants a été de plus de cinq ans. Conformément aux recommandations actuelles, ces enfants n'ont jamais été testés avant 8-9 mois. Les résultats ont montré que 41,8 % sont devenus tolérants à 1 an, 68,2 % à 2 ans, 81,2 % à 3 ans et 90 % à 5 ans. Ainsi, l'acquisition de la tolérance n'est pas aussi précoce qu'on veut bien le dire au cours des allergies vraies. En outre, près de 25 % des enfants avant 2 ans et 50 % avant 4 ans, sont devenus allergiques à autre chose : allergie alimentaire pour 43,6 % d'entre eux, asthme dans 28,7 % des cas. Enfin, 12,1 % des enfants sont devenus asthmatiques avant l'âge de 3 ans, et 31,7 % avant 7 ans, alors que la prévalence connue de l'asthme dans la région de Grenoble est de 7,6 % à 8 ans.
Ainsi, à partir du moment où un médecin a pris en charge un enfant atteint d'APLV, il doit être extrêmement vigilant au devenir de cet enfant, compte tenu des résultats : il a une chance sur deux de devenir allergique à autre chose, et une chance sur trois de devenir asthmatique. Des précautions doivent donc être prises : retarder la diversification alimentaire, retarder l'exposition à différents allergènes (acariens, poils de chat...).
D'après un entretien avec le Dr Jean-Pierre Chouraqui, CHU Grenoble
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