Ils seront dimanche 18 194 candidats pour seulement 4 108 sièges en lice pour ces élections départementales d’un nouveau genre, où pour la première fois tous les départements vont voter ensemble et dans des cantons élargis, pour élire un binôme. Parmi les candidats, les professions libérales sont particulièrement bien représentées, puisque l’Institut Harris Interactive évalue à 28 % cette catégorie (contre 9 % en moyenne dans la population).
legeneraliste.fr a recensé 223 médecins, soit 1,3 % des candidats à ces élections. Près des deux tiers de ces confrères sont soit UMP-UDI (25 %), soit divers droite (10 %) soit sans étiquette (25 %, souvent proche de la droite). 20 % des médecins vont néanmoins concourir sous la bannière PS ou divers gauche. 8 % défendront les couleurs PC-Front de gauche, 6 % celles du Front national, 4 % EELV et 2 % celles du Modem.
Médecin de 60 ans qui exerce seul dans le centre-ville nantais, Benoist Dutertre a décidé de se présenter aux élections départementales de son canton (Nantes 2) pour son parti de cœur : le Front National. Un retour à la politique pour ce généraliste qui s’est déjà présenté aux législatives en 1993 dans la deuxième circonscription de Loire-Atlantique, mais qui l’avait un temps abandonné par dépit suite à la rupture entre Jean-Marie Le Pen et Bruno Maigret. C’est son observation d’une « dégradation de la France » qui lui fit prendre la décision de revenir dans l’arène politique. Selon ses dires, l’action politique doit suivre la même démarche qu’utilise un médecin pour soigner un patient. « En médecine, après un diagnostic, on met tout en œuvre pour rendre possible ce qui est nécessaire; en politique je compte agir de la même manière. » « Drôles d’élections », lâche le frontiste concernant les règles du jeu innovantes de ce nouveau scrutin. Mais il n’a rien pourtant, ni contre la parité ni le fait que tous les cantons votent simultanément. S’il était élu, Benoist souhaite « élargir le focus sur les flancs départementaux et agir sur les grandes missions inhérentes à ma fonction en concertation et en accord avec les départements voisins ». En bon FN, il compte aussi réduire les pressions fiscales par un recul des dépenses de fonctionnement et prévoit aussi demander un audit du département. Questionné sur le projet de loi de santé de Marisol Touraine, il se positionne contre et souhaite un « retrait pur et simple ». Cela ne l’empêche pas de pratiquer le tiers payant au sein de son cabinet, bien qu’il considère sa généralisation inutile.
Plus au sud... et plus à gauche, Caroline Haure-Trochon, anciennement suppléante du président sortant du conseil général Lot-et-Garonne Pierre Camani (PS), se présente cette fois-ci à ses côtés, dans le canton des Coteaux de Guyenne. « En 2008, Pierre Camani m’avait proposé d’être sa suppléante aux élections cantonales, dorénavant, c’est en tant que binôme que je l’accompagne pour les Départementales. » Présidente des Maisons de Santé de Miramont, Duras et Lévignac, cette généraliste qui exerce en maison pluridisciplinaire depuis 1992 dans la commune de Levignac de Guyenne refuse tout pronostic sur une éventuelle victoire ou défaite « car cela dépendra de la mobilisation citoyenne qui est actuellement impossible à évaluer ».
Pour sa part, Isabelle Loos-Maillard, candidate « libre » orienté Centre-Modem, considère qu’être élue s’inscrit comme une « prolongation de (son) métier de généraliste » qu’elle exerce depuis 21 ans dans la petite commune d’Arc-sur-Tille près de Dijon. À l’instar du Dr Haure, sa candidature aux départementales pour le canton de Saint-Apollinaire est aussi un peu liée au hasard... ou à la parité, puisqu’elle a été contactée par le conseiller général sortant pour devenir son binôme. Cependant la candidate était déjà inscrite sur la liste UDI-Modem lors des Européennes, elle n’en est donc pas à son coup d’essai en politique. Cette fois, elle ne courra sous les couleurs d’aucun parti, ni l’UDI ni l’UMP pour ces élections. Sa principale crainte : la montée du FN. On a beau être candidat, on reste généraliste : ayant participé à la grève entre Noël et le Nouvel An, cette généraliste souhaite qu’on « réforme le fonctionnement de la médecine avec toutes les professions en réorganisant la médecine générale et en la remettant au centre du système ». Comment ? En appliquant une « politique de besoin et de territoire afin d’être au plus proche des gens et de leur redonner la parole ».
Plus à gauche, Franck Séraphini est un militant associatif très investi et bénévole à Médecins du monde. En exercice depuis 1988 en milieu urbain à Aix en Provence, ce médecin travaille de concert avec un autre confrère généraliste ainsi qu’avec une orthophoniste. C’est en côtoyant activement ce milieu associatif qu’il en est venu à réfléchir sur des sujets politiques et, face à un « blocage de la société » et un « débat politique relativement pauvre », il passe donc de la réflexion à l’action en déposant une candidature « citoyenne » en collaboration avec le Front de gauche pour le canton Aix 1.« On parle de moins en moins de plaisir de vivre »,s’étonne-t-il. Il explique que plusieurs faits marquants de ces derniers mois l’ont mis en alerte comme la mort de Rémi Fraisse au barrage de Sivens et les attentats de Charlie Hebdo. Ce sont tous ces éléments qui le laissent penser qu’une « autre démocratie est envisageable et à envisager ». Le généraliste s’étonne que l’on parle « aussi peu du plaisir de vivre et compte donc transmettre un nouveau message en mettant en avant l’être humain dans le débat. Contrairement à la plupart des médecins, la polémique autour du projet de loi de santé de Marisol Touraine ne le retient pas plus que ça, même s’il estime que le tiers payant généralisé est "relativement une bonne chose mais la question est de savoir ce que sont supposés faire les gens qui ne disposent pas de complémentaire santé ».
Pour Bernard Scherrer aussi, ces élections sont une première. Le PS est venu chercher ce retraité actif de 70 ans qui exerce à Vichy. Ancien médecin libéral mais aussi salarié dans des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), le généraliste a aussi travaillé 6 mois dans un réseau de soins palliatifs non hospitaliers. Il est aussi syndiqué depuis 1980 à MG France et prend part à plusieurs associations d’aide aux personnes comme JALMALV (Jusqu'À La Mort Accompagner La Vie). Et c’est précisément en sa grande expérience de terrain que son parti lui a reconnu la légitimité de se présenter pour le canton de Vichy 2. Un secteur, qui se trouve, dit-il, « au cœur des problèmes de santé et de désertification médicale ». Jamais candidat jusque-là, encarté au parti socialiste depuis seulement 2002, il garde la tête froide : « Malheureusement mes chances de passer sont assez minces dans ce canton qui est actuellement à droite et qui connaît une division au sein de sa gauche », estime-t-il. Interrogé sur le tiers payant, il se démarque de ses homologues médecins en étant pour sa généralisation mais craint que cela se transforme en « usine à gaz ». Malgré tout, son cabinet était fermé lors de la grève de fin d’année des médecins afin de dénoncer les conditions d’installations.
En région parisienne, Marie-Blanche Pietri est une généraliste salariée qui exerce depuis 1997 dans tout le 93 (Seine-Saint-Denis) et s’occupe principalement des enfants dans les centres de PMI (protection maternelle et infantile). C’est pour défendre ses convictions qu’elle se lance dans ces élections cantonales afin de « permettre à la société d’avancer dans les libertés ». Candidate l’an dernier pour les municipales dans sa commune de Neuilly-sur-Marne, le Dr Pietri s’engage dorénavant pour le canton de Gagny/Neuilly-sur-Marne, sous les couleurs de l’UMP. La généraliste estime ses chances de passer « plutôt bonnes même si rien n’est joué ». Sa profession lui a permis d’avoir de nombreux retours des patients sur l’état du canton en matière de désertification médicale, ainsi que sur la dégradation de la santé des habitants. Contre la loi de santé, elle considère que les médecins doivent être libres de choisir leur manière d’exercer. Cette « tendance » à « soviétiser la médecine » ne lui convient pas et la conforte dans son envie de s’impliquer politiquement.
Pour Muriel Fiol, généraliste et addictologue à Bandol (Var), sa candidature à ces élections sous les couleurs du Front National découle de son goût pour l’action publique et citoyenne. Elle a beaucoup milité dans le milieu associatif (pas toujours médical) mais son action était trop limitée, ce qui lui a laissé un « gout d’inachèvement ». Déjà engagée par le passé et élue conseillère municipale dans le Doubs, la frontiste a même créé sa propre association : Addictolib.
Elle met un point d’honneur à ne pas mélanger sa vie professionnelle et sa vie « élective » et n’exerce qu’à mi-temps en période électorale. Selon la généraliste, être médecin est un atout, elle est « plus à l’écoute » et « aime les gens », un avantage certain dans la communication avec les citoyens. Dans un canton tenu par l’UMP (Ollioules) depuis une trentaine d’années, l’addictologue émet des réserves sur son éligibilité. La grande concentration de militants frontistes dans le Var lui laisse toutefois des raisons d’espérer.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature